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MANCINELLUS.

(D) Calcagnin…... a parlé de Manard avec des marques d’une grande estime. ] C’est dans une lettre qu’il écrivit à Érasme, l’an 1525 : vous y verrez qu’ayant témoigné l’affliction que la mort de Léonicénus, il ajoute [1] : Una res mihi solatio fuit, quòd Joannes Manardus, vir græcè et latinè doctissimus, rem medicam et naturæ arcana iisdem vestigiis prosequitur ; cujus rei specimen dare possunt epistolæ, quas proximè edidit : eas puto in manus tuas pervenisse, quòd si nondùm pervenisse significaveris, dabo operam, ut quamprimùm ad te perferantur. Scripsit ille quidem alia plurima digna immortalitate, sed vir minimè ambitiosus eâ nondùm publicam materiam fecit : hoc superstite minùs Leonicenum desideramus.

  1. Calcagninus, epist. LIV, lib. XX, inter Erasmianas, pag. 1019.

MANCINELLUS (Antoine) fut un très-bon grammairien au XVe. siècle. Il enseigna dans le collége de Rome, et puis alla à Venise par le conseil de Pomponius Lætus [a], et continua de publier divers écrits de littérature (A). On dit qu’ayant fait une harangue contre les mauvaises mœurs d’Alexandre VI, ce pape en fut si irrité qu’il lui fit couper la langue et les mains [b]. Les deux auteurs que je cite pour ce fait-là sont l’un bon catholique, et l’autre bon protestant. J’en citerai un troisième [* 1] qui circonstancie (B) un peu plus la chose.

  1. * À toutes les autorités citées par Bayle, Leclerc oppose une simple dénégation. Joly qui ne laisse pas échapper une occasion de montrer son papisme, dit que le père Niceron dans le tome XXXVII (lisez XXXVIII) de ses Mémoires, place à 1512 le Juvénal de Mancinelli, comme si les ouvrages ne s’imprimaient que du vivant des auteurs. Joly ajoute que lui-même a cité ailleurs une édition de 1498, que J.-A. Fabricius date de 1497. J’ajouterai que Harles en cite une de 1492. La Monnoie, cité par Leclerc, observe qu’à la fin du Sermonum Decus il est fait mention d’une chose arrivée à Rome l’an 1503. Or cette année étant celle de la mort du pape Alexandre VI, Leclerc conclut que Mancinelli a dû survivre au pape. Mais le chapitre où l’on parle du fait arrivé en 1503 est intitulé : Monstrum gemellorum. L’événement eut lieu le 16 des calendes d’avril, c’est-à-dire, le 17 mars. Alexandre VI n’est mort que le 18 août 1503. Le fait raconte par Mancinelli étant antérieur de cinq mois à la mort du pape, on ne peut, de l’observation de la Monnoie, rien conclure contre les trois auteurs cités par Bayle.
  1. Voyez les vers que Gesner rapporte folio 59 verso, de sa Bibliothéque.
  2. Du Preau (ou Prateolus), Histoire de l’Église, tom. II, folio 304 verso ; Crespin, de l’État de l’église, pag. m. 502.

(A) Il continua de publier divers écrits de littérature. ] Vous trouverez le titre de la plupart dans la Bibliothéque de Gesner, qui remarque entre autres choses que le Commentaire de Mancinellus sur le premier livre de la Rhétorique de Cicéron ad Herennium fut imprimé à Venise, l’an 1497, en présence de l’auteur. J’ajoute que Mancinellus fit des notes sur Horace, sur Juvénal, sur Suétone, etc., et des corrections aux Élégances de Laurent Valla. Il composa aussi des harangues, et des vers latins qui ont été insérés au IIe. tome du Deliciæ Poëtarum Italorum.

(B) Je citerai un troisième auteur qui circonstancie un peu plus la chose. ] M. du Plessis-Mornai, alléguant ceux qui parlèrent contre le papat, sous Alexandre VI, cite d’abord un passage de Jérôme Paul, Catalan, et puis il ajoute [1] : « Antoine Mancinel fut encore plus hardi. Un jour solennel, sur le point de la procession, monté sur un cheval blanc, selon la coutume, il fit une harangue à Rome devant tout le peuple, contre Alexandre VI, reprenant ouvertement ses abus, scandales et abominations, et après avoir fini en jeta des exemplaires devant le peuple ; Alexandre le fait prendre et lui couper les deux mains ; dés qu’il fut guéri, retourne, et en une autre fête en fait une autre plus hardie ; lors Alexandre lui fait couper la langue dont il mourut [* 1]. » Coëffeteau n’a pu opposer à

  1. (*) Hieronymus Mari us in Eusebio Captivo.
  1. Du Plessis, Mystère d’Iniquité, pag. 567.