Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
MARCA.

commis l’édition de ses ouvrages, il répondit qu’il lui importait pour sa réputation de faire voir que cela n’était pas : parce, dit-il, que si cela demeurait constant, il s’ensuivrait que feu monseigneur n’aurait pas eu bonne opinion de lui, et n’aurait pas cru qu’il fut capable de prendre soin de l’édition de ses œuvres. Ce qu’il a encore dit en termes généraux à une personne de grand mérite et de grande vertu, que vous connaissez, qui m’a fait l’honneur de me le dire. Voilà, Monseigneur, le beau principe sur lequel il a fondé sa calomnie et son imposture. Sans prendre parti là-dedans[1], je dirai qu’en général il y a mille faussetés imprimées qui n’ont d’autre fondement que le point d’honneur ; car dès qu’on voit qu’une exposition naïve de la vérité nous ferait tort dans le monde, on conte les choses tout autrement qu’elles ne sont arrivées.

(L) Il sut bien prédire à ses camarades…….. la différence qu’il y aurait un jour entre leur gloire et la sienne. ] Un jeune homme de votre condition, lui disaient-ils, ne doit point fuir les compagnies, ni renoncer au jeu, au bal, et à tels autres divertissemens. Vous êtes un homme enterré. Le temps viendra, leur répondit-il, où je ferai parler de moi, et où vous serez dans les ténèbres. Exprobrabant adolescentem genere clarum non decere, à virorum et mulierum nobilium civitatis colloquiis et societate recedere, nec præstantes animi dotes exerere, non ludos, nec ludicra, neque nocturnas hyemis choreas, ut aliis solitum erat, frequentare, posseque eum, virum absconditum jure nominari. Ad que ille, quùm venisset temporis occasio, futurum se omnibus pernotum, ubi latendum illis foret, peracutè respondit[2]. L’événement a justifié cette réponse : M. de Marca est devenu l’un des plus grands hommes de son siècle, et est monté sur les théâtres les plus éminens ; et peut-être qu’aucun de ceux qui lui faisaient ces reproches n’a jamais été connu à deux lieues de sa paroisse. Voici une leçon pour les écoliers studieux, et pour ceux qui sont débauchés. Il est bon de leur mettre devant les yeux un fait comme celui-ci ; sans cela je n’eusse pas fait cette remarque.

(M) Il n’oublia pas à devenir bon grec. ] Il en donna des preuves l’an 1642, en publiant un manuscrit grec qu’il avait trouvé dans la bibliothéque du roi[3], et qu’il traduisit en latin. C’était l’épître décrétale du pape Vigile, confirmative du deuxième concile de Constantinople. Il y joignit une savante dissertation, les anathèmes du même concile, une lettre d’Eutychés à ce pape, et la réponse de ce pape[4]. Ces anathèmes et ces deux lettres n’avaient encore paru qu’en latin. La décrétale n’avait jamais été publiée en aucune langue[5]. Il se fit un grand mérite de ce travail auprès du pape ; car il remarqua dans le livre qu’il fit imprimer à Barcelonne, l’an 1646, pour lever les sujets de plainte qui retardaient l’expédition de ses bulles, il remarqua, dis-je, que la publication de la décrétale avait servi de beaucoup à confirmer l’autorité du saint siége sur les conciles œcuméniques, laquelle ne faisait que chanceler dans les écoles de France. Quid de hâc editione posteà ipse senserit, accipe ex libello ejus Barcinone edito anno m. dc. xlvi, cujus suprà mentionem feci : Sanè explicari non potest, quantùm hujus epistolæ publicatio profuerit ad firmandam apostolicæ sedis auctoritatem ergà concilia generalia quæ apud Gallicanos academiarum magistros, majorum suorum decretis inhærentes, valdò nutabat[6]. Voyez la note[7]. La dissertation fut insérée dans l’édition des Conciles, qui se fit au Lonvre, comme aussi la dissertation du même

  1. Notez que M. Baluze, dans la Vie de M. de Marca, édit. de 1669, réfute M. Faget sur le fait du dépôt, et sur bien d’autres.
  2. Fagetus, in Vitâ Petri de Marca, p. 9.
  3. Interdùm codices manuscriptos græcos bibliothecæ regiæ, ut erat linguæ Grecæ peritissimus Marca pervolvebat. Faget., ibidem, pag. 44.
  4. Idem, ibidem.
  5. Baluzius, de Vitâ P. de Marca, pag. 39.
  6. Idem, ibidem, pag. 39.
  7. Voici les termes de l’abbé Faget, in Vitâ P. de Marca, pag. 44 : Eam (decretalem) non solùm ut hactenùs incognitam ille plurimi fecit, sed etiam quòd multùm ad firmandam apostolicæ sedis auctoritatem contrà quorundam theologorum sententiam in concilia generalia prodesset.