Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
MARCIONITES.

imputer les sentimens des gnostiques touchant le martyre. Autrement, il serait permis de dire, les arminiens sont une branche des protestans, donc ils croient la présence réelle comme ceux de la confession d’Augsbourg, et la prédestination absolue comme ceux de la confession de Genève. 9°. Il est étonnant qu’un homme qui ose insulter M. Maimbourg sur l’ignorance de l’antiquité, n’ait point su que la secte des marcionites florissait beaucoup vers la fin du quatrième siècle, comme nous l’apprend Saint Épiphane[1]. Elle florissait encore au temps de Théodoret, qui nous apprend qu’il convertit, et qu’il baptisa plus de dix mille marcionites[2]. Au reste, Lambert Daneau n’a pas ignoré que ces sectaires se glorifiaient de leurs martyrs ; mais avec saint Cyprien il prétend que ceux d’entr’eux qui avaient souffert la mort pour la religion n’étaient point martyrs. Martyres etiam se habere jactant, ut scribit Eusebius, lib. 5, cap. 16, inter quos recenset Metrodorum Smyrnæ crematum, lib. 4, cap. 16, sed falsò, nam causa facit martyres, quemadmodum Cyprianus ait, non autem pœna[3]. Il parle d’un prêtre marcionite, qui fut brûlé à Smyrne au même temps que saint Polycarpe. Ἐν τῇ αὐτῇ δὲ περὶ αὐτοῦ γραφῇ, καὶ ἄλλα μαρτύρια συνῆπτο κατὰ τὴν αὐτὴν περίοδον τοῦ χρόνου τῆς τοῦ Πολυκάρπου μαρτυρίας· μεθ’ ὧς καὶ Μητρόδωρος τῆς κατὰ Μαρκίωνα πλάνης, πρεσβύτερος δὴ εἶναι δοκῶν, πυρὶ παραδοθεὶς ἀνῇρεται. Sed et alia martyria sub idem tempus quo Polycarpus passus est, apud Smyrnam facta, in eâdem epistolâ conjunctim leguntur. In quibus et Metrodorus quidam qui Marcionis sectæ presbyter dicebatur, flammis consumptus interiit[4]. 10°. Je ne sais si je dois dire que vraisemblablement ces gens-là comptaient pour martyrs, ceux d’entr’eux qui avaient été tués peut-être dans quelque émotion du peuple orthodoxe. Il ne faudrait pas trop s’étonner si quelqu’un croyait, qu’avant même que les empereurs fussent chrétiens, les hérétiques furent exposés quelquefois à la violence des catholiques ; car nous apprenons de saint Épiphane, que peu s’en fallut que Manès ne fût assommé par la populace, dans la ville de Caschara, où il avait disputé publiquement avec l’évêque du lieu. Il y aurait laissé infailliblement la vie, si un fort honnête homme, nommé Marcellus, n’eût arrêté par sa présence vénérable le zèle ardent des bourgeois. Ἐντεῦθεν ὁ Μάνης ἀποδράσας βουλομένων τῶν δήμων αὐτὸν λιθοβολῆσαι, εἰ μὴ ὅτι παρῆλθεν εἰς μέσον Μάρκελλος, καὶ τῷ αἰδεσίμῳ αὐτοῦ προσώτῳ κατεδυσώπησε τοὺς δήμους, ἐπεὶ ἂν ὁ τάλας νεκρὸς μένων πάλαι ἐτεθνήκει. Secundum hæc Manes fugâ sibi consulit. Populus enim lapidibus illum obruere volebat ; nisi Marcellus in medium prodiens, vultu ipso venerationis pleno aspectuque repressisset. Quod nisi fecisset, jam dudum infelix ipse perîsset[5]. Cet honnête homme avait déjà usé de la même modération, pour empêcher que l’évêque ne fît tuer Manès. Ce prélat s’appelait Archelaüs ; il se mit dans une telle colère quand il sut ce que Manès avait écrit à Marcellus, qu’il voulut partir de la main pour se saisir de cet hérétique[6]. Marcellus l’en empêcha par ses prières. Quelques jours après il eut encore besoin de toute son éloquence pour réprimer le zèle de ce prélat. Manès ayant reçu la réponse de Marcellus, se rendit auprès de lui. Archélaüs opinait qu’on le tuât comme une bête féroce, qui pouvait faire de grands ravages dans la bergerie du Seigneur. Mais Marcellus, par ses

  1. Voyez la remarque (D), citation (20).
  2. Theodor., epist. CXLVI, apud Baron., ad ann. 424, num. 19.
  3. Lambertus Danæus, Comment. in August. de Hæresibus, folio. 59.
  4. Euseb., lib. IV, cap. XV, pag. m. 135. Comparez ceci avec ce que dit M. Jurieu. Il était faux qu’ils eussent aucuns martyrs. Consultez Baronius, ad ann. 424, num. 14, où il dit : Faciliùs est invenire marcionitam à gentilibus olim occidi, quam à christianis ecclesiæ redditum.
  5. Epiph. adv. Hæres., num. 66, p. m. 627.
  6. Ὁ δὲ Ἀρχέλαος γνοὺς τὴν αἰτιαν, καὶ τὴν ἐπιστολὴν ἀναγνοὺς, ἔβρυχε τοὺς ὀδόντας, ὧσπερ λέων ὠρυόμενος, καὶ ζῆλον Θεοῦ ἀναλαβῶν ἐπειρᾶτο ὁρμῆσαι μᾶλλον ἕως αὐτοῦ, καὶ χειρώσασθαι τὸν τοιοῦτον. Archelaus re omni perspectâ, dentibus fremens rugientis leonis instar ac divino quodàm ardore percitus, ad Manichæum potiùs proficisci cupiebat, hominemque capere. Idem, ibidem, pag. 624.