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MACÉDOINE.

historiam contineret signis brevibus et minutulis, pontifici propinare, quam quidem circumferri ad omnes tanti illius viri cupidissimos jussit. Quod idcircò posui, quia dicuntur juvari in omni actu suo, qui Alexandrum expressum vel auro gestitant vel argento [1]. Je n’allègue point les prières dont parle Justin ; elles ne sont pas une preuve d’un culte et d’une invocation fixe. Les Macédoniens étaient alors dans la dernière consternation ; ils imitaient ceux qui se noient, ils se prenaient à tout ce qu’ils rencontraient. En ce temps-là on canonise des sujets qui n’ont ni temple ni fête. Si vous voulez néanmoins savoir ce qu’a dit Justin, vous pourrez vous satisfaire sans changer de place. Hæc cum nuntiata per omnem Macedoniam essent, portæ urbium clauduntur, luctu omnia replentur, nunc orbitatem amissorum filiorum dolebant, nunc excidia urbium metuebant, nunc Alexandri Philippique regum suorum nomina sicuti numina in auxilium vocabant. Sub illis se non solùm tutos, verùm etiam victores orbis terrarum extitisse ; ut tuerentur patriam suam quam gloria rerum gestarum cœlo proximam reddidissent, ac opem afflictis ferrent quos furor et temeritas Ptolemæi regis perdidisset, orabant [2].

(N) On ne peut point dire que les trahisons eussent eu beaucoup de part à ses triomphes. ] Lisez Pausanias, dans l’endroit où il expose le préjudice qui fut fait en divers temps à la liberté des Grecs, par les pratiques de ceux qui se laissèrent corrompre : vous y trouverez que Philippe, roi de Macédoine, se servait de pareilles intelligences pour s’agrandir, mais qu’Alexandre son fils eut le bonheur de fortifier et d’augmenter sa puissance sans ces moyens-là. Κατὰ δὲ τὴν Φιλίππου βασιλείαν τοῦ Ἀμύντου, Λακεδαίμονα πόλεων μόνην οὐ προδοθεῖσαν τῶν ἐν Ἕλλησιν εὕροι τις ἄν· αἱ δὲ ἄλλαι πόλεις αἱ ἐν τῇ Ἑλλάδι, ὑπὸ προδοσίας μᾶλλον, ἢ ὑπὸ νόσου πρότερον τῆς λοιμώδους ἐϕθάρησαν. Ἀλεξάνδρῳ δὲ τῷ Φιλίππου πάρεσχεν ἡ εὐτυχία, μικρὰ ἀνδρῶν προδοτῶν καὶ οὐκ ἄξια λόγου προσδεηθῆναι. Philippo verò Amyntæ filio ad Græciæ imperium adspirante unam invenias proditionis immunem Spartam : ceteras Græcorum urbes non magis pestilentia superiorum temporum, quàm proditiones deleverunt. Alexandri felicitas effecit, ut nullum magnoperè insigne proditionis exemplum, quo res ejus adjutæ fuerint, possit commemorari [3]. Cette opposition entre le caractère du père et le caractère du fils a été fort bien décrite par l’historien Justin. Nulla apud eum (Philippum) turpis ratio vincendi..... Amicitias utilitate, non fide colebat. Gratiam fingere in odio, in gratiâ offensam simulare, instruere inter concordantes odia, apud utrumque gratiam quærere, solennis illi consuetudo.... Huic Alexander filius successit, et virtute et vitiis patre major. Vincendi ratio utrique diversa. Hic apertè, ille artibus bella tractabat. Deceptis ille gaudere hostibus, hic palàm fusis. Prudentior ille consilio, hic animo magnificentior [4]. Il n’y a guère d’endroits par où la fortune ait mieux témoigné qu’elle était prodigue de ses faveurs envers Alexandre ; car enfin tous les hommes sont portés naturellement à rabattre beaucoup de la gloire d’un conquérant, ou plutôt à l’effacer toute entière, lorsqu’ils savent qu’il a corrompu les généraux de ses ennemis, et les gouverneurs des places qu’il avait dessein d’assiéger.

(O) Les Juifs prétendent qu’il vida plusieurs procès qu’ils avaient avec leurs voisins. ] Ils supposent que trois sortes de gens s’adressèrent à Alexandre, pour lui demander la restitution des biens que les Juifs leur retenaient injustement. Les Chananéens qui échappèrent aux armes de Josué vinrent de l’Afrique pour se plaindre de l’usurpation des Juifs : les Égyptiens vinrent demander la vaisselle que les Juifs leur empruntèrent en sortant d’Égypte ; les Arabes, ou les descendans d’Ismaël et des fils de Kéthura, vinrent demander leur part à la succession d’Abraham. Le rabbin Gibéa Ben-Pesisa [5] plaida pour

  1. Trebellius Pollio, in 30 Tyrann., pag. 295, tom. II.
  2. Justinus, lib. XXVI, cap. V.
  3. Pausan., lib. VII, cap. X, pag. 546, edit. Lips., 1696.
  4. Justin., lib. IX, cap. VIII, p. m. 207.
  5. Il s’appelle aussi Cibéa Ben Kosan. C’était un fameux jurisconsulte, à ce que dit Abraham Zacuth in Sepher Juchasin, folio 13 ; apud Autoritatem Polygamiæ triumph., p. 287.