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MARIANA.

enim me importunitas tua efferre in vulgus ea, quæ soctietatis legibus vulgari non oporteret) decretum etiam addidit vehemens et grave, ne quis è nostris hominibus aut publicè quicquam scriberet, doceretve ; aut privatim consilii cuiquam daret, quod in principum perniciem ullâ ratione vergeret. Quod, es vulgandi ejus præpositus generalis mihi potestatem fecit, ipsis ejus verbis adscribam [1]. Voyez les réflexions qu’a faites sur tout ceci George Hornius, professeur à Leyde [2].

(K) On publia que Ravaillac y avait puisé..... et qu’il l’avait avoué dans son interrogatoire. Ce fait fut contredit publiquement. ] Les passages du père Coton rapportés dans la remarque (H) seraient une preuve suffisante de ce texte ; néanmoins j’y ajouterai quelque chose. On trouve dans le Mercure Français [3] l’interrogatoire de Ravaillac ; mais pas un mot de Mariana. On trouve que pendant les deux jours qu’il fut gardé à l’hôtel de Retz, il répondait à ceux qui lui demandaient qui l’avait mû à cet attentat : « Les sermons que j’ai ouïs, auxquels j’ai appris les causes pour lesquelles il était nécessaire de tuer le roi. Aussi sur la question, s’il était loisible de tuer un tyran, il en savait toutes les défaites et distinctions, et était aisé à reconnaître qu’il avait été soigneusement instruit en cette matière : car en tout autre point de théologie il était ignorant et méchant, tantôt disant une chose et puis la niant. » Ce n’est nullement une preuve qu’il eût lu le livre de Mariana ; car il avait pu apprendre de vive voix, ou par la lecture de plusieurs autres ouvrages, soit imprimés, soit manuscrits, tous les principes de ce jésuite espagnol. Il est très-possible que cette proposition soit véritable : un tel sait parfaitement les maximes de Mariana, et néanmoins il ne sait pas qu’il y ait eu un auteur nommé Mariana. Afin donc de faire voir que Ravaïllac avait lu le livre de ce jésuite, il faut des raisons plus fortes que celle-ci, il savait la doctrine de cet écrivain : il faut d’autres argumens que ce passage du Mercure Français [4]. « Le même jour de cette exécution [5], pour ce que Ravaillac en toutes les réponses aux demandes que l’archevêque d’Aix, le prédicateur Coëffeteau, et plusieurs autres lui avaient faites durant sa prison sur le parricide qu’il avait commis, s’aidait subtilement des maximes de Mariana, et autres qui ont écrit, qu’il était permis de tuer les tyrans : avant que procéder de nouveau à la défense de tels livres, la cour voulut avoir la délibération de la faculté de théologie, et enjoignit aux doyen et syndic, etc. » Notez qu’encore qu’on eût été très-certain que l’assassin n’avait point lu Mariana, on n’eût pas laissé de pouvoir faire raisonnablement aux jésuites la remontrance que leur fit en chaire l’abbé du Bois. Ils s’en plaignirent à la reine, et accusèrent cet abbé : « Que durant les octaves du Saint-Sacrement qu’il prêchait à Saint-Eustache, en traitant la question, s’il était loisible de tuer les tyrans, et réfutant le livre de Mariana et autres, il avait fait une exhortation aux pères jésuites, à ce qu’ils eussent par ci-après très-grand soin que jamais aucun auteur, qui pût offenser la France, ne sortît en lumière, avec le nom de leur compagnie, et approbation de leurs supérieurs, s’ils ne voulaient de gaieté de cœur s’exposer à des dangers que toute leur prudence fortifiée de l’autorité de leurs confidens ne saurait éviter. Voilà les principaux points de l’accusation sur lesquels on dit à la reine que telles paroles avaient pensé émouvoir une sédition contre les jésuites. L’évêque de Paris eut charge d’ouïr le dit abbé, lequel en sa défense lui dit, que ce n’était ni passion, ni inimitié, ni rancune contre les jésuites ou autres, qui l’avaient porté à prêcher ce qu’il avait prêché, mais l’effroyable horreur, et l’indicible douleur de l’étrange mort de son très-bon maître, et le doute probable du

  1. On voit à la suite de ceci, dans le livre d’Eudæmon Johannes, le décret du général des jésuites.
  2. In Dissertationibus histor. et politic., p. 116 et seq.
  3. Au Ier. tome, feuillet 440 et suiv.
  4. Mercure Français, tom. I, folio 457.
  5. C’est-à-dire, celle de Ravaillac.