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MARIE.

sous cet équipage de faux pénitent, ce brave guerrier qui triompha des protestans à Jarnac et à Moncontour, et qui mérita les suffrages des Polonais pour un grand royaume.

...............Ultima primis
Obstant, dissimiles hic vir et ille puer.


Mais Mariana ne s’est point borné à la remarque de ce changement.

Notez néanmoins qu’on a tort de dire dans la dernière édition de Moréri [1], qu’il publia le livre de Rege et Regis Institutione pour justifier l’assassinat du roi de France Henri III. Ce ne fut point son but. Il traita la matière selon l’étendue du titre de son ouvrage. Ce qui concerne l’autorité qu’il donne aux sujets sur les rois tyrans n’est qu’une très-petite portion de son livre, et il ne fait entrer là Henri III que par occasion, et en peu de mots.

(P) Je doute qu’il ait fait le livre de Republicâ Christianâ qu’un écrivain allemand loue beaucoup. ] Il dit que c’est un ouvrage excellent publié par Jean Mariana en espagnol, l’an 1615, et dédié à Philippe III, roi d’Espagne, et qu’après plusieurs autres choses ingénieusement inventées, et sagement proposées [2], on y trouve la description de la tête d’un bon prince avec les usages légitimes des cinq sens externes. Si le jésuite Mariana eût publié un tel ouvrage, les bibliothécaires de la compagnie, et don Nicolas Antoine, l’eussent-ils passé sous silence ?

  1. Celle de Paris 1699.
  2. Post multa alia ingeniosè excogitata cordatèque prolata. Andreas Carolus, abbas Sangeorgianus in ducatu Wittembergico. Memorab. eccles., sæculi XVII, lib. II, cap. XXVI, pag. 388. Il cite Selenian. Aug. J. V. A., pag. 393, seq. 449, pl. Notez que le livre qu’il cite est le même que j’ai cité, tom. VI, pag. 75, remarque (D) de l’article Durer, citation (12).

MARIE, sœur d’Aaron et de Moïse, paraît d’une façon assez notable dans l’Écriture, deux ou trois fois pour le moins. Elle fut cause que sa mère fut choisie par la fille de Pharao pour nourrir Moïse (A). Elle se mit à la tête de toutes les femmes d’Israël après le passage de la mer Rouge, afin de chanter le même cantique que les hommes avaient chanté (B). Elle se joignit à son frère Aaron pour murmurer contre Moïse (C), et fut sévèrement châtiée de cette action : car elle devint ladre, et demeura en sequestre pendant sept jours hors du camp [a]. Elle n’aurait pas été délivrée de cette affliction, si Moïse n’eût imploré la miséricorde de Dieu. Elle mourut avant ses deux frères [b], et la même année qu’eux, et fut enterrée avec pompe, et aux frais du public, sur la montagne de Sein [c]. On croit qu’elle vécut cent trente ans ou environ. Les rabbins font une remarque ridicule sur ce que le texte sacré ne contient pas la même clause touchant la mort de Marie que touchant celle de ses deux frères (D). Qui voudra savoir les rapports qui se rencontrent entre cette sœur de Moïse et les déesses des païens, n’aura qu’à lire la démonstration de M. Huet [d].

  1. Nombres, chap. XII.
  2. Là même, chap. XX.
  3. Joseph., Antiquit., lib. IV, cap. IV, pag. m. 109.
  4. Huetius, Demonstrat. Evangel., proposit. IV, cap. X, pag. m. 252 et seq., et in præfat.. folio C 2 verso.

(A) Elle fut cause que sa mère fut choisie.... pour nourrir Moïse. ] L’Écriture raconte qu’après qu’il eut été exposé, sa sœur se tint de loin pour savoir [1] ce qu’il deviendrait, et qu’elle dit à la fille de Pharao qui s’était fait porter cet enfant, irai-je t’appeler une femme d’entre les Hébreux qui allaite, et elle t’allaitera cet enfant [2] ? et qu’ensuite de sa réponse, elle fit venir sa mère qui reçut ordre de le nourrir. Josephe, ne trouvant point que ce récit fût assez circon-

  1. Exode, chap. II, vs. 4.
  2. Là même, vs. 7.