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MACHIAVEL.

inferius esse majestate principis, si se in conspectum concioni daret, in aulæ recessu, loculamento se suo sublatus in speculam inseruerat [1]. Ne doutez point que la fiction que Strada récite ne fût fondée sur des faits connus.

(C) Il fut suspect d’avoir été le directeur d’un attentat qui fut découvert. ] Il en coûta la vie à un poëte, et à un garde du corps, si nous en croyons Paul Jove. Quùm dicendo scribendoque Brutos et Cassios laudaret ejus conjurationis architectus fuisse putaretur, in quâ Ajacetus poèta, et Alamanus ex ipsâ turmâ prætoriâ levissimus eques, concepti sceleris capite pœnas dederunt. Ces gens-là avaient en dessein de tuer le cardinal Julien de Médicis, qui fut ensuite le pape Clément VII. Celui que Paul Jove nomme Ajacetus est nommé par d’autres Jacques Diacettin, ou Jacobo da Diacetto, ou Jacobus Jacettus. Il fréquentait souvent les maisons et les jardins de Ruscellai : les gens de savoir, citoyens et étrangers, y étaient bienvenus, et entre autres, Zanobi Buondelmont, et Louis Alamanni, et s’entretenaient communément à l’entour de Cosimin Ruscellai...... homme impotent qui se faisait porter comme dans un berceau : et avec eux se trouvait aussi Nicolas Machiavel, qui leur faisait voir ses œuvres, et dédia ses discours, œuvres de nouvelle invention, à Cosimin. Ceux-ci qui avaient connaissance des bonnes lettres et de la philosophie, se mirent en tête de tuer le cardinal, non pour aucune malveillance ; mais pour mettre, comme ils disaient, la république en liberté. Diacettin le confessa ainsi devant les juges, et lui et le courrier furent exécutés par justice. Machiavel en fut fort soupçonné : Alamanni se trouva aux champs, et se sauva au duché d’Urbin : Buondelmont fut forcé par sa femme de sortir de sa maison, et se jeta hors la ville, et se sauva en la Carfagnana, où était gouverneur pour le duc de Ferrare, le poëte Louis Arioste, qui le conserva [2]. M. Varillas [3] suppose que Léon X était en vie au temps de cette conspiration : il s’abuse en cela autant que dans l’intervalle qu’il a mis entre la promotion de Machiavel à la charge d’historiographe, et l’exaltation de ce pontife [4]. Mais les fautes de Paul Jove sont bien plus grossières. Il suppose que la principale qualité de son Ajacetus, et son caractère distinctif étaient d’être poëte : cela n’est pas vrai [5]. Il devait dire cela de son Alamannus, au lieu d’en faire un chevau-léger de la garde ; et il ne devait pas le mettre au nombre de ceux qui furent décapités. Aloisio Alamanni, bel esprit et grand poëte, fut complice de cette conspiration ; mais il n’en fut pas puni : il se sauva au delà des Alpes, et fut très-bien reçu de François Ier. Il publia plusieurs poëmes à la louange de ce prince, et sur quantité d’autres sujets ; et il florissait en France l’an 1540, comme le Poccianti l’a remarqué [6] ; et l’an 1544, comme on l’a vu ci-dessus [7]. Il y a un chapitre [8] qui le concerne dans les Ragguagli du Boccalin. Il y est blâmé des éloges excessifs qu’il avait donnés aux Français dans une harangue ; et l’on ajoute qu’il fut bientôt dégoûté de cette nation, à cause que les Français lui firent connaître trop clairement qu’ils le méprisaient. Voici un passage de Jacques Gohory : « Finalement il ha fuit de jolys petitz traitez, c’est assavoir la vie de Castruccio Castracani (de qui j’entens qu’il y a un fort honneste gentilhomme son parent aujourd’huy en cette ville) envoyée par luy à Luigi Alemanni, qui ha écrit le livre de l’Agricolation, et reduit le romant de Giron le Courtois, par commandement du grand roy François, fort élegamment en ryme italienne : lequel ha laissé deux fils en la cour de France, l’un à present evesque de Macon doué de toutes bonnes lettres, l’autre mais-

  1. Idem, ibidem, prolus VI, pag. 363.
  2. Pierre de Boissat, Histoire généalogique de la Maison de Médicis, pag. 241, 242.
  3. Anecdotes de Florence, pag. 249.
  4. Là même, pag. 248.
  5. Voyez l’article Jaccétius, tom. VIII, pag. 315.
  6. Floruit in maximo pretio in Galliâ transalpinâ, 1540. Michaël Poacciantius, in Catalog. Scriptorum Florentinor., pag. 7, edit. Florent., 1589.
  7. Citation (26) de l’article François Ier., tom. VI, pag. 568.
  8. C’est le XIXe. de la IIe. centurie.