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MASCARON.

traire. Or, pour faire maintenant le même de cette vente de livres, qui est la meilleure et la plus honnête action que pouvait faire le Cardinal, pour témoigner le soin qu’il a toujours eu des gens de lettres ; il faut savoir que le sieur Agostino Mascardi, qui passait de son temps pour la meilleure plume d’Italie, s’avisa de faire imprimer en l’année 1636, un livre de sa façon. intitulé dell’ Arte historica trattati cinque [1], en cette forme que nous appelons Quarto, et si gros qu’il contenait près de cent feuilles ; et parce que la Tavola di Cebete, le Pompe del Campidoglio, la Congiura dei Fieschi, le Prose, i Discorsi academici, Silvarum sive variorum carminum libri iv, et en un mot toutes ses œuvres s’étaient parfaitement bien vendues, il en fit plus tirer d’exemplaires de celles-ci, qu’il n’avait fait de toutes les précédentes, ce qui toutefois lui réussit si mal, à cause du peu de personnes qui se plaisaient à de semblables matières, que la plus grande part de tous ces exemplaires lui demeura : De quoi comme il se plaignait un jour à monseigneur Mazarini, il lui offrit d’en envoyer des balles à Paris, où il avait un homme pour ses affaires, qui aurait soin de les vendre, et qui lui ferait tenir l’argent qu’il en aurait touché : ce que ledit sieur Mascardi ayant accepté très-volontiers, il fut par ce moyen soulagé d’une grande perte qui lui était presque inévitable. Je tiens la vérité de cette histoire de celui même qui faisait en ce temps-là les affaires dudit Cardinal en cette ville. »

(D) Il y a dans les œuvres de Balzac un... discours où l’on critique fortement notre Mascardi sans le nommer. ] C’est dans une dissertation qui fut imprimée avec le Socrate chrétien. Elle consiste en quelques remarques sur divers écrits : celles qui concernent les Discours du philosophe orateur, tombent sur celui qui fait la matière de cet article. Balzac nous l’apprend lui-même par ces paroles d’une lettre qu’il écrivit à M. Conrart, le 4 de janvier 1641.« C’est de Mascardi que j’entends parler, et de certaines très-mauvaises choses que j’ai vues de lui, avant qu’il eût purifié son style, et qu’il eût formé son jugement [2]. »

  1. Naudé avait conçu bonne opinion de cet ouvrage. Voyez sa Bibliogr. politica, p. m. 67.
  2. Balzac, lettre à Conrart, pag. m. 96.

MASCARON (Jules), l’un des plus grands prédicateurs du XVIIe. siècle, naquit à Marseille, l’an 1634. Il hérita de son père, le plus fameux avocat du parlement d’Aix, du rare talent d’éloquence qui le distingua [* 1]. Il entra fort jeune dans la congrégation de l’oratoire, et il enseigna dès l’âge de vingt-deux ans la rhétorique au Mans. Il passa bientôt après à l’exercice de la chaire, et prêcha avec beaucoup de succès dans l’église de Saint-Pierre à Saumur. M. l’évêque du Mans voulant attacher à son église un si habile prédicateur, l’en nomma théologal. Il se fit admirer à Paris, lorsqu’il y prêcha l’Avent à l’Oratoire. Il fut nommé en 1666, pour faire l’oraison funèbre de la reine-mère. Il prêcha ensuite à la cour cinq ou six ans et fut nomme à l’évêché de Tulle, l’an 1671. Ayant prononcé avec l’applaudissement ordinaire l’oraison funèbre de M. de Turenne, en 1675, il fut transféré à l’évéché d’Agen. Il fut appelé en 1694, pour prêcher le carême à la cour. L’année suivante il fit

  1. * Pierre-Antoine Mascaron, père de Jules, mourut en 1647. Joly dit qu’il est auteur de La Mort et les dernières paroles de Sénèque, seconde édition, 1639. in-12. Le privilége étant de 1637, Joly pense que la première édition doit être de cette année. Le Dictionnaire de la Provence et du Comtat dit qu’il avait composé une Vie de Coriolan. sans indiquer si elle est imprimée. La Bibliothéque historique de la France, seconde édition, indique quatre ouvrages de P.-A, Mascaron.