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MÉNAGE.

ma solde, lui dit-il, en le frappant de sa javeline, pour parler mal de ce prince, mais pour combattre contre lui. Μισθοϕόρον τινὰ πολλὰ βλάσϕημα καὶ ἀσελγῆ περὶ Ἀλεξάνδρου λέγοντα, τῇ λόγχῃ πατάξας, ‘Ἐγώ σε, (εἶπε) τρέϕω μαχούμενον, ἀλλ᾽ οὐ λοιδορησούμενον Ἀλεξάνδρῳ. Militem quendam mercenarum suum, qui multis et impuris conviciis Alexandrum proscindebat, lanceâ feriens, ego, inquit, te alo, non ut maledicas Alexandro, sed ut contrà eum pugnes [1]. Voilà une belle maxime : elle n’était guère pratiquée du temps de François Ier. et de Charles-Quint ; et je ne sais si on la pratique mieux au temps présent. Freinshémius observe que Menmon s’opposa vigoureusement à quelques Grecs fugitifs, remplis de haine pour le nom macédonien, qui ne voulaient pas qu’on permît à Alexandre d’enterrer ses morts, quoiqu’en le lui permettant on se pût glorifier de la victoire. Memnon n’écoula point la passion de ces fugitifs, il accorda la suspension d’armes, et les cadavres qu’Alexandre lui demandait. Cela se fit au siége d’Halicarnasse. Lisez ce qui suit : Alexander quamquàm ea res opinione Græcorum [* 1] de victoriâ concedentis videretur ; corpora suorum, qui sub ipsis mœnibus oppetierant, induciis postulatis ab hoste repetere, quam inhumata dimittere maluit. At [* 2] qui cum Persis erant, Ephialtes et Thrasybulus Atheniensis, quùm plus apud ipsos odium adversùs Macedonas, quàm humanitatis ratio valeret, negabant indulgendum hoc esse infestissimis hostibus. Non tamen permoverunt Memnonem, quin Græcorum moribus indignum esse diceret, sepulturam invidere cæsis hostibus. ARMIS ET viribus in adversos et obsistentes utendum : neque contumeliis pugnandum in eos, quos bonis malisque nostris sua dies exemisset [2].

(D) Sa veuve fut la première femme qu’Alexandre connut. ] C’est Plutarque qui nous l’assure Οὔτε τούτων ἐθιγεν, οὔτε ἄλλην ἔγνω γυναῖκα πρὸ γάμου, πλὴν Βαρσίνης. Nec has attigit, nec mulierem antè nuptias cognovit ullam, exceptâ Barsene [3]. Elle s’appelait Barsène, et était fille d’Artabase, dont la mère était fille d’un roi de Perse. Elle était douce et honnête, et savait le grec, et les manières des grecs, et avait beaucoup de beauté : de sorte que Parménion, considérant qu’outre cela elle était de grande naissance, exhorta le roi son maître à se divertir avec cette prisonnière [4]. Elle fut prise en même temps que la mère, la femme et les filles de Darius [5]. Le conseil de Parménion fut suivi : ce qui eut des suites fécondes ; puisque Barsène donna un fils [6] à Alexandre. Elle avait deux sœurs [7], que ce prince maria très-avantageusement.

(E) M. Moréri s’est mal exprimé. ] Voici ses paroles dans l’article d’Alexandre : Darius n’avait point voulu faire le dégât dans l’Asie, selon l’avis de Memnon. Cela est équivoque, car si j’écrivais à un homme, je n’ai point repondu à cette lettre selon votre avis, suivant votre avis, ceux qui liraient ces paroles seraient plus portés à croire que l’on n’avait conseillé de ne pas répondre, qu’à croire que l’on n’avait conseillé de faire réponse. Pour le moins ils trouveraient le premier sens aussi bon que l’autre. Ainsi j’ai lieu d’assurer que si l’on ne savait pas ce que Memnon conseilla, on ne pourrait pas entendre au vrai ce que Moréri a voulu dire : tant il est nécessaire de bien arranger les mots, si l’on veut être intelligible, en se servant même de la langue maternelle de son lecteur.

  1. (*) Justin., 6, 6, 9.
  2. (*) Diodor., 17. 25.
  1. Plut., in Apopht., pag. 174.
  2. Freinshem, Supplem. ad Curtium, lib. II, cap. IX.
  3. Plut., in Alexandro, pag. 676.
  4. Idem, ibid.
  5. Curtius, lib. III, sub fin. ; Plutarch., in Alexandro, pag. 676, dit qu’elle fut prise à Damas.
  6. Nommé Hercule, Plutarch., ubi infrà.
  7. L’une fut femme d’Eumènes, et l’autre de Ptolomée. Plut., in Eumene, init., pag. m. 583.

MÉNAGE (Gilles), en latin Ægidius Menagius, a été l’un des plus savans hommes de son temps, et le Varron du XVIIe. siècle. Il serait inutile de donner ici son éloge, et l’abrégé de sa vie : cela se trouve dans des li-