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MÉTELLA.

me qui lui causait beaucoup de chagrin[1]. Il n’est donc guère facile d’ajuster les temps d’amour de ces deux personnes.

Pour ce qui regarde Valère Maxime, je trouve, dans l’Onomasticon de Glandorp, une période sujette à censure. La voici : Eamdem esse volunt de quâ Valerius libro primo capite quinto, auctor de Viris Illustribus capite sexagesimo secundo, ut viris duobus naptam fuisse intelligamus[2], c’est-à-dire que l’on veut que Métella, sœur de Métellus le Numidique, et mère de Lucius Lucullus[3], soit la même que celle dont Valère Maxime et Aurélius Victor ont parlé. Cela n’est pas mauvais par rapport à ce dernier auteur, puisqu’il est indubitable qu’il a parlé nommément de Métella, sœur de Métellus le Numidique. L’autre écrivain a parlé d’une manière si vague, que l’on peut aussitôt conjecturer le pour que le contre ; et ainsi Glandorp ne devait pas charger son papier des conjectures dont il nous parle. Mais je puis bien rapporter ici le fait : il est curieux.

Cécilia, femme de Métellus, avait une nièce prête à marier. Elle la mena de nuit dans une chapelle pour chercher des présages nuptiaux. C’était la coutume quand on songeait à marier une fille. La tante s’assit, et la nièce se tint debout ; elles furent long-temps aux écoutes sans ouïr rien. La fille, se sentant lasse d’être debout, pria sa tante de la laisser asseoir pour quelques momens : Très-volontiers, répondit la tante, je vous cède ma place. Ces paroles furent l’augure que l’on cherchait : Cécilia mourut bientôt, et son mari épousa la jeune nièce. Voilà ce que Valère Maxime raconte[4]. Cicéron le rapporte aussi[5] : il l’avait ouï dire à Lucius Flaccus, prêtre de Mars[6]. Il y a une note de Pighius dans le Valère Maxime Variorum, qui porte que ce Lucius Flaccus fut consul l’an 622. Mais il y a bien loin de là jusques au temps où Cicéron était en état de lier conversation avec les personnes d’importance. Pighius ajoute qu’il s’agit ici de Cécilia, sœur de Métellus le Numidique ; et il le prouve par Aurélius Victor, qui rapporte que ce Metellus ne voulut point faire l’oraison funèbre de Métellus, son beau-frère[7]. Mais Aurélius Victor n’a point nommé ce beau-frère, et ainsi la doctrine de Pighius est fondée sur une fausse supposition. Metellæ sororis suæ virum laudare noluit, quòd is solus judicium contra leges detrectaret. Ce sont les paroles d’Aurélius Victor dans les bonnes éditions.

Ce qui me paraît de plus mémorable dans ce fait, est l’étrange superstition de l’ancienne Rome. Ce n’étaient pas seulement les simples servantes qui cherchaient des augures de mariage : les dames les plus qualifiées, celles qui tenaient un rang pareil à celui de nos duchesses, s’amusaient à ces niaiseries, et allaient se mettre à l’affût pour attendre le premier mot que la fortune leur ferait ouïr. Aujourd’hui même la qualité de duchesse ne délivre point des superstitions augurales dont les bourgeoises s’infatuent.

(B) Fausta ne dégénéra point. ] Ce fut une des plus impudiques femmes de son temps ; et il fut vrai pour le moins par rapport à elle et à Métella, sa mère, que le monde va de mal en pis. Métella était débauchée, mais mox datura progeniem vitiosiorem[8]. Fausta eut pour troisième mari le fameux Milon, que le meurtre de Clodius et la harangue de Cicéron ont tant fait connaître. Il ne faisait pas bon se jouer à lui : néanmoins sa femme ne le craignit guère : elle admettait ses galans avec si peu de précaution, que l’un d’eux y fut un jour attrapé par Milon. Il aurait passé le pas, s’il n’eût eu bien de l’argent ; mais il racheta sa vie en payant la taxe à quoi Milon le condamna après lui avoir fait donner cent coups d’étrivières. M. Varro in litteris atque vitâ fide homo multâ et gravis, in li-

  1. Quin etiam Æsopi filius me excruciat. Cicero, ad Atticum, epist. XV, lib. XI.
  2. Glandorpius, pag. 170.
  3. Celui qui vainquit Mithridate.
  4. Lib. I, cap. V, num. 4.
  5. De Divinat., lib. I, cap. XLVI.
  6. L. Flaccum flaminem martialem ego audivi quùm diceret. Ibidem.
  7. Ipsam verò Cæciliam Q. Numidici sororem fuisse ex auctore de Viris Illustribus est colligere, qui cap. 62 scribit Numidicum sororis suæ virum Metellum laudare noluisse, quòd is olim suum judicium et leges detrectârat. Pighius, in Val. Maximum, lib. I, cap. V. num. 4.
  8. Voyez Horace, ode VI, lib. III.