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MÉTRODORE.

c’est pourquoi Homère les fait naître de l’Océan. Protagoras inféra de ce principe [1], que l’homme est la mesure de toutes choses, et que chacune est justement ce qu’elle paraît, et qu’on ne peut porter aucun jugement des autres. C’est un parfait pyrrhonisme : vous y trouverez d’un côté que les sens sont l’unique règle de nos opinions, et de l’autre qu’il n’y a rien de certain, et que la nature des choses n’a rien de stable, rien qui ne subisse une infinité de variations.

  1. Ibidem.

MÉTRODORE, bon peintre et bon philosophe, fut choisi par les Athéniens pour être envoyé à Paul Émile, qui, après avoir pris Persée, roi de Macédoine, leur avait demandé deux hommes, l’un afin de lui donner à instruire ses enfans, l’autre afin de lui faire peindre son triomphe. Il témoigna souhaiter que le précepteur fût un excellent philosophe. Les athéniens lui envoyèrent Métrodore, qui excellait tout ensemble et dans la philosophie et dans la peinture. Paul Émile fut très-content de leur choix. C’est Pline qui conte cela (A). Nous verrons dans les remarques s’il est vrai que Cicéron parle de ce Métrodore, comme le père Hardouin le prétend (B). Je croirais qu’il parle plutôt de Métrodore de Stratonice (C), qui abandonna l’école épicurienne pour s’attacher à Carnéade.

(A) Les Athéniens l’envoyèrent…. à Paul Émile, qui fut très-content de leur choix. C’est Pline qui conte cela. ] On sera bien aise de voir ses paroles : ubi (Athenis) eodem tempore erat Metrodorus pictor, idemque philosophus, magnæ in utrâque scientiâ auctoritatis. Itaque cùm L. Paulus, devicto Perseo, petîsset ab Atheniensibus ut sibi quàm probatissimum philosophum mitterent ad erudiendos liberos, itemque pictorem ad triumphum excolendum, Athenienses Metrodorum elegerunt professi eundem in utroque desiderio præstantissimum quo ità Paulus quoque judicavit [1]. Vossius se trompe quand il assure que ce Métrodore était médecin [2].

(B) Nous verrons... s’il est vrai que Cicéron parle de ce Métrodore, comme le père Hardouin le prétend. ] Le père Hardouin s’est imaginé que ce passage de Pline concerne un homme qui fut auditeur de Carnéade, et qui écrivit un livre de Architectonice, et un autre de Poëtis [3]. Voilà trois choses que l’on affirme de lui : on se fonde pour la première, sur l’autorité de Cicéron au Ier. livre de Oratore ; pour la seconde, sur l’autorité de Pline dans l’index du XXXVe. livre ; et pour la troisième, sur le témoignage de Plutarque, au livre contre les Épicuriens. Examinons cela en rétrogradant. Il est visible que le Métrodore, cité par Plutarque [4] comme ayant écrit des poëtes, est celui qui fut ami d’Épicure. Il ne vivait donc pas au temps de Persée ; car Épicure, qui lui survécut sept ans [5], mourut la 2e. année de la 127e. olympiade [6] : mais Persée ne fut pris par les Romains qu’environ la fin de la 152e. L’Index du XXXVe. livre de Pline ne contient rien qui nous engage à donner au Métrodore de Persée les écrits d’architecture : et pour ce qui est du passage de Cicéron, il ne paraît guère convenir à ce Métrodore : rapportons le. Audivi summos homines quùm quæstor ex Macedoniâ venissem Athenas florente academiâ, ut temporibus illis ferebatur, quòd eam Carneades, et Clitomachus, et Æschines obtinebant. Erat etiam Metrodorus qui cum illis unà ipsum illum Carneadem diligentius audierat [7]. C’est l’orateur Crassus qui parle ; le

  1. Plin., lib. XXXV, cap. XI, pag. m. 230.
  2. Vossius, de Histor. græcis, pag. 389.
  3. Harduin., in Plinium, lib. XXXV, cap. XI, pag. 230.
  4. Plutarch., non posse suaviter vivi, pag. 1094, E.
  5. Diog. Laërt., lib. X, num. 23.
  6. Idem, ibidem, num. 15.
  7. Cicero, de Orat., lib. I, cap. XI.