Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
448
MILTON.

mourut sans une grande douleur, l’an 1674, âgé de soixante-six ans. Ce fut un homme d’une agréable conversation, d’une humeur douce et égale, extraordinairement sobre, et qui se plaisait infiniment à la musique. La secte qui lui plaisait davantage dans sa jeunesse était celle des puritains ; mais dans son âge viril, celle des indépendans et celle des anabaptistes lui devinrent plus agréables, parce qu’elles accordent plus de liberté que les autres à chaque particulier, et qu’il lui semblait que leur pratique s’accordait mieux avec celle des premiers chrétiens. Enfin, quand il fut vieux, il se détacha de toute sorte de communions, et ne fréquenta aucune assemblée chrétienne, et n’observa dans sa maison le rituel d’aucune secte. Quant au reste, il faisait paraître, et par ses actions, et par ses paroles, un profond respect pour Dieu [a]. On fit une édition de toutes ses œuvres [b] à Londres, l’an 1690, en trois volumes in-fol. et l’on mit dans les deux premiers ce qu’il a écrit en anglais, et dans le troisième ses traités latins. On verra dans la remarque N, le parallèle que Milton fit entre une prière qui est dans le livre de Charles Ier., et une prière qui se trouve dans le fameux roman qui a pour titre l’Arcadie de la comtesse de Pembrok.

  1. Tiré des extraits latins qu’on a fait faire de la Vie de Milton, composée en anglais par M. Toland. J’ai ouï dire à des gens qui savent l’anglais, qu’elle est bien écrite, et parsemée de réflexions très-curieuses. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, février 1699, pag. 79 et suiv.
  2. Excepté ses poësies.

(A) Il naquit à Londres, l’an 1608. ] C’est ce qu’on apprend par l’inscription qui est au bas de sa taille-douce, dans un de ses livres [1] ; car elle porte qu’en 1671 il avait désigné ses années d’une façon un peu vague, dans sa IIe. apologie, composée en 1653, ou en 1654, s’étant contenté de dire qu’il avait plus de quarante ans [2]. Il ne sera pas hors de propos de remarquer pourquoi il apprend au public cette circonstance, puisque cela nous donne lieu de relever quelques faussetés. On lui avait reproché qu’il n’était qu’un petit bout d’homme, qui n’avait que les os et la peau ; et c’était un correctif ajouté à l’application qu’on lui avait faite de ces paroles de Virgile,

Monstrum horrendum, informe, ingens, cui lumen ademptum [3].

Il répondit [4] qu’il ne croyait pas que personne l’eût jamais trouvé laid ; que sa taille approchait plus de la médiocre que de la petite ; qu’il se sentait encore et le courage et les forces dont il avait été pourvu autrefois, lorsque, l’épée au côté, il se croyait en état de tenir tête à des gens beaucoup plus robustes que lui ; que son visage, bien loin d’être pâle, défait et ridé, lui faisait beaucoup d’honneur, puisqu’à l’âge de quarante ans passés il semblait être plus jeune de près de dix ans ; qu’il prenait à témoin de tout cela une infinité de gens qui le connaissaient de vue, et qui le traiteraient justement de ridicule s’il ne disait pas la vérité. Il avoua la dette pour ce qui est d’être aveugle, sans oublier néanmoins de dire que ses yeux ne paraissaient pas avoir le moindre défaut. Il n’y a personne qui puisse douter, après cela, que l’on n’en eût fait accroire à M. Morus et à M. de Saumaise, sur la taille et sur l’extérieur de Milton : je dis à M. de Saumaise ; car il a dit aussi, dans sa Réplique, qu’il avait ouï dire que son adversaire était petit comme un main, etc. Relatum quippè est mihi ab illis qui viderunt, esse staturâ pumilionem [5]. Ab eâ laboriosâ

  1. C’est sa Logique.
  2. Quadragenario major. Milton, Défens. II, pag. 31.
  3. Quamquam nec ingens, quo nihil est exilius, exsanguius, contractius. Epist. dedicatoria, Clamor. Regii Sang.
  4. Milton, Défens. II, pag. 30.
  5. Salmas., Respons. ad Milt., pag. 3.