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MONIME.

gnols de notre Monardes ont été traduits en latin par Clusius, et en italien par Annibal Brigantus. Le même Clusius a traduit aussi en latin les trois livres de Monardes, de varios Secretos y Experiencias de Medicina. Ceux des Drogues de l’Amérique ont été traduits en anglais par je ne sais qui, et en français par Antoine Colin, maître apothicaire juré de la ville de Lyon. Le Lindenius renovatus ne marque l’année d’aucune édition espagnole.

MONIME, femme de Mithridate, toucha le cœur de ce prince dès la première fois qu’il la vit. Ce fut dans la ville de Stratonicée peu après qu’il eut remporté de grands avantages sur les généraux romains Oppius, Manius, etc. Il trouva si belle cette fille, qu’il s’en empara, et qu’il la fit mettre dans son sérail [a]. D’autres disent qu’elle était de Milet, et que Mithridate ne put parvenir à la dernière faveur qu’en prenant la belle voie, c’est-à-dire qu’en l’épousant. Il l’attaqua par des sollicitations, il lui envoya tout à la fois quinze mille écus ; mais tout cela fut inutile, il en fallut venir au contrat de mariage, il ne coucha avec elle qu’après l’avoir signé et qu’après l’avoir ornée du diadème et de la qualité de reine [b] (A). Cette conduite la rendit célèbre par toute la Grèce. Sa condition n’eut que de l’éclat ; les biens réels n’y furent point. La pauvre Monime regretta souvent son pays natal, et fit une triste fin (B) ; car Mithridate vaincu par Luculle, et craignant que ses femmes ne tombassent au pouvoir de l’ennemi, les fit tuer. Il avait donné le gouvernement d’Éphèse à Philopœmen, père de Monime [c]. On ne peut douter que sa passion pour cette belle personne n’ait duré ; car après sa mort on trouva parmi ses papiers les lettres lascives qu’il lui avait écrites, et qu’il en avait reçues [d].

(A) Mithridate..... ne coucha avec elle,..... qu’après l’avoir ornée..... de la qualité de reine. ] Ταύτης ὁ πλεῖςος ἦν λόγος ἐν τοῖς Ἕλλησιν, ὅτι, τοῦ βασιλέως πειρῶντος αὐτὴν, καὶ μυρίους πεντακισχιλίους χρυσοῦς προσπέμψαντος, ἀντέσχε, μέχρις οὗ γάμων ἐγένοντο συνθῆκαι, κα διάδημα πέμψας αὐτῇ, βασίλισσαν ἀνηγόρευσεν. Erat hujus celebre inter Græcos nomen, quòd quùm eam rex attentaret, et quindecim millia aureorum misisset, eatenùs fuerit renisa, dùm sponsaliis factis missoque diademate appellavit reginam [1].

(B) Les biens réels n’y furent point : elle regretta….. son pays natal, et fit une triste fin. ] Plutarque va nous expliquer cela dans l’endroit où il rapporte que Mithridate fuyant Lucullus, envoya Bacchides, l’un de ses eunuques, à ses sœurs et à ses femmes, avec ordre de les faire mourir. La pauvre dame, dit-il [2], parlant de notre Monime, tout le temps auparavant, depuis que ce roi barbare l’eust espousée, avoit vescu en grande desplaisance, ne faisant continuellement autre chose que deplorer la malheureuse beaute de son corps, laquelle au lieu d’un mari lui avoit donne un maistre, et au lieu de compagnie conjugale et que doit avoir une dame d’honneur, lui avoit baillé une garde et garnison d’hommes barbares, qui la tenoyent comme prisonniere, loin du doux pays de la Grece, en lieu où elle n’avoit qu’un songe et une ombre des biens qu’elle avoit esperez, et au contraire avoit reelement perdu les veritables, dont paravant elle jouyssoit au païs de sa naissance : et quand ce Bacchilides fut arrivé devers elle, et leur eust fait commandement de par le roy qu’elles eussent à estire la ma-

  1. Appian., in Mithridaticis, p. m. 123.
  2. Plutarchus, in Lucullo, pag. 503, A.
  3. Appian., in Mithrid., pag. 134.
  4. Plut., in Pompeio, pag. 639.
  1. Plutarchus, in Lucullo, pag. 503, A.
  2. Idem, ibid. Je me sers de la version d’Amyot.