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MOPSUS.

chas était allé à pied de Troie à Claros avec Amphilochus, et, pour éprouver les forces de Mopsus, il lui avait demandé en lui montrant une truie pleine, combien elle portait de petits. On lui fit réponse qu’elle en portait trois, dont l’un était une femelle. La chose se trouva véritable. Mopsus demanda à son tour à Calchas le nombre précis des figues qui étaient sur un certain figuier. Calchas ne le put dire et en mourut de regret [a]. Personne, s’il est tant soit peu versé dans les livres, ne s’étonnera que ce conte soit rapporté diversement ; car à juger des choses par l’expérience, c’est une fatalité que notre nature humaine ne peut éviter. Il y a donc des auteurs qui disent [b] que ce fut Calchas qui demanda le nombre des figues [c], et que Mopsus lui répondit qu’il y en avait dix mille, et qu’elles pourraient tenir toutes à une près dans une certaine mesure qu’il lui nomma. Cette réponse, parfaitement vérifiée par l’épreuve, fit mourir Calchas de chagrin. D’autres disent que Calchas ne donna à deviner que le nombre des petits de la truie, et que la seule justesse de la réponse qu’on lui fit le tua, sans qu’il fût besoin qu’on lui proposât à son tour une question qu’il ne put soudre. Il y en a qui soutiennent que ceci se passa non à Claros, mais dans la Cilicie [d]. Une autre espèce de contestation fit périr Mopsus (F) ; car on conte [e] que lui et Amphilochus partirent de Troie, et s’en allèrent bâtir la ville de Mallus dans la Cilicie. Qu’Amphilochus en sortit pour aller à Argos. Que n’y trouvant point ce qu’il avait espéré, il fut rejoindre Mopsus, qui ne voulut plus de lui. Qu’ils se battirent en duel et s’entretuèrent, et que leurs tombeaux, que l’on montrait à Margasa, proche de la rivière de Pyrame, furent tellement situés, que de l’un on ne pouvait pas avoir la vue de l’autre. Il est certain que la Cilicie n’a pas été le moindre théâtre de Mopsus : il y a bâti des villes [f] : celle qui s’appelait Mopsueste [g] avait une relation particulière à sa personne ; et c’était dans la Cilicie qu’il était révéré comme un dieu, et qu’il rendait des oracles [h]. Plutarque en conte une histoire qui confondit l’incrédulité des épicuriens [i].

Notez que l’application à deviner n’empêcha point Mopsus de procréer des enfans. Il eut trois filles, Rhode, Méliade et Pamphylie : leur nom fut donné à quelques pays [j].

  1. Strabo, lib. XIII, pag. m. 442 ; Lycophr., vs. 425.
  2. Strabo, ibid.
  3. Servius in Eclog. VI Virgilii, vs. 72, dit en s’appuyant sur le poëte Euphorion, que c’étaient des pommes.
  4. Strabo, lib. XIV, pag. 464.
  5. Idem, ibid. et Lycophr. vs. 439.
  6. Cicero, lib. I, de Divinat. Pompon. Mela, lib. I, cap. XIV, et ibi Isaac. Vossius.
  7. Μόψου ἑςία, quasi lares Mopsi. Voyez Strabon, lib. XIV, pag. 465. Mopsuestia vatiscillius domicilium Mopsi, dit Ammien Marcellin, au livre XIV. Saint Jérôme l’appelle Mopsi viculum. Voyez Berkelius in Stephan. pag. 567, et Photius, Biblioth. num. 176, pag. 392.
  8. Tertull., de Animâ, cap. XLVI ; Origenes, lib. III, contrà Celsum ; Euseb. de Laudibus Constant.
  9. Plutarch. de Oracul. defectu.
  10. Photius, Bibliot. num. 176, pag. 392 ex Theopompo.