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MORLIN.

la justification. Il combattit cette nouveauté avec une ardeur extrême et par ses écrits et par ses sermons ; mais il succomba sous le crédit de son adversaire, qui le fit chasser de la Prusse, l’an 1552, nonobstant les intercessions du peuple [a]. Il se retira à Brunswick, où il fut donné pour collègue au fameux Chemnice. Il se mêla dans les disputes du temps (C), et il fut de presque toutes les conférences où l’on agita les matières du franc arbitre, et de la nécessité des bonnes œuvres, etc. Il retourna dans la Prusse, l’an 1566, et y fut créé évêque de la province de Sambie, par le roi de Pologne, Sigismond Auguste, et par Albert, duc de Prusse, qui n’était plus infatué de son Osiander. Il exerça cette charge tout le reste de sa vie, et mourut l’an 1571, ayant voulu se faire tailler contre l’avis de ses médecins. Il publia plusieurs livres [b] (D), et laissa un fils aussi amateur que lui des disputes théologiques (E). J’ai oublié de dire que, quand il fut reçu docteur en théologie à Wittemberg, l’an 1540, on lui proposa une question que Luther avait dressée, touchant l’usage des biens d’église (F).

  1. Etsi plebs ad principem pro eo supplex intercederet. Melch. Adam., in Vit. Theol., pag. 456.
  2. Tiré de Melch. Adam., Vit. Theologor., pag. 456.

(A) Sectateur rigide de Luther. ] Je le remarque après Melchior Adam. Fuit Lutheri sectator et acer doctrinæ ejus in toto ministerio suo custos... in articulo de cœnâ sententiam Lutheri retinuit, quod Christi corpus in, sub, aut cum pane sit [1].

(B) Son zèle trop ardent. ] Mélanchthon, qui le connaissait sans doute, le représente d’un naturel trop impétueux, et trop adonné aux contestations. Ayant ouï dire qu’Héshusius s’en retournait à Rostoch, avec le dessein de se trouver à la dispute de Brême, il crut que Morlin était l’auteur de tout ce manège. Je lui ai souvent prédit, ajoute-t-il, qu’il exciterait plus de tempêtes qu’il n’en pourrait apaiser. Cogitavi horum consiliorum architectum esse Morlinum, et is habet socios harum technarum artifices. Seribam Davidi Chytræo ne instituant disputationem theatricam, quæ non parvos motus excitatura sit, si procedat. Tibi etiam hortator sum, ut si te in certamen vocabunt postules tibi quoque concedi ut accersas Petrum Martyrem, me, et alios quosdam amicos. Novi genesim Morlini : et sæpè ei prædixi, eum moturum, quæ sedare non poterit [2].

(C) Il se mêla dans les disputes du temps. ] L’auteur que je cite dans les remarques précédentes, a raison de dire qu’il n’y a presque point eu de siècle où les disputes des théologiens aient été plus fréquentes qu’elles le furent du temps de notre Morlin. Mettons à part les grandes disputes des catholiques romains, et des protestans : considérons seulement le luthéranisme. Bon Dieu ! quelles divisions ne vit-on pas entre les théologiens de ce parti-là, et avec quelle chaleur et quelle aigreur ne furent-elles pas soutenues ? Tout ce que l’Afrique et l’Asie ont produit d’esprits ardens n’étaient que flegme, en comparaison de ces docteurs germaniques. On dit que notre Morlin s’opposait à la sépulture de ceux qui étaient allés aux sermons d’André Osiander, et qu’il ne voulut jamais se laisser persuader de baptiser leurs enfans. Dogma Osiandri quantoperè detestentur qui confessionis Augustanæ censeri volunt, cùm ex Wittembergensium doctorum censura, tùm ex Matthiæ Flacci, et Joachimi Merlini non scriptis magis quàm factis, abundè cuivis perspicere licet. Nam quo loco Morlinus habuerit eos,

  1. Melch. Adam., in Vitis Theolog., pag. 457.
  2. Philipp. Melancht. Epist. ad Albertum Hardenbergium, apud Melchior. Adamum, in Vitis Theolog., pag. 457.