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MORUS.

teurs, eut à Paris le chagrin de voir sa réputation attaquée par des personnes de mérite, qui le traduisirent tout de nouveau aux synodes (K), d’où il ne se sauva que comme par feu. Sa mort qui fut très-édifiante, et les marques de piété qu’il fit paraître durant sa dernière maladie, effacèrent le souvenir de ce qu’il pouvait y avoir eu d’irrégulier dans sa conduite. Il mourut à Paris, chez madame la duchesse de Rohan, au mois de septembre 1670. Il n’avait jamais été marié. On verra ci-dessous le titre de ses ouvrages (L). Je parle de la querelle qu’il eut avec Jean Milton (M) ; et j’observe qu’il y a des choses dans le Ménagiana qui lui sont glorieuses. On y en trouve aussi qui ne le sont point (N). Un de ses derniers panégyristes raconte un fait qui n’est pas vrai (O).

Le jugement, que M. Chevreau a fait du caractère de M. Morus, est très-conforme à celui de plusieurs autres connaisseurs, et témoigne en même temps que les choses que l’on écrit à un homme ne ressemblent pas toujours à celles que l’on dit de lui dans les lettres que l’on écrit à d’autres gens [a] (P). Je ne veux point passer sous silence que l’illustre M. Huet donne de très-grands éloges à M. Morus, dans quelques poésies latines qu’il lui adresse. Voyez la page 30 et 77 des poésies de ce savant prélat, à l’édition d’Utrecht 1700 [b].

  1. Voyez, tom. VII, pag. 282, la remarque (M) de l’article Grotius.
  2. C’est la 4e. : on y a joint ses notes sur l’Anthologie.

(A) Ses amis demeurent d’accord qu’il avait beaucoup d’imprudence, et qu’il était… mal endurant. ] On reconnaît dans une préface [1], où l’on prend parti pour M. Morus, que son naturel trop prompt, sa trop grande liberté de parler, et la trop forte passion de s’élever au-dessus des autres, avaient souvent donné lieu aux inimitiés qui avaient toujours régné entre lui et ses émules. On ajoute qu’on n’avait ouï rien dire à M. Spanheim contre M. Morus, si ce n’est qu’il était altier : on dit aussi qu’au jugement de Saumaise, M. Morus ajoutait trop de foi à de faux amis, et qu’il n’était pas assez laborieux ; mais qu’au reste c’était un très-bel esprit, et capable de toutes choses. M. Diodati, dans une lettre [2] qu’il écrivit en faveur de M. Morus à M. de Saumaise, avoue que ce ministre ne s’était jamais porté qu’à une défense innocente, mais qu’il l’avait fait avec de la chaleur et de la vigueur, qui avait souventes fois nui à ceux qui l’avaient aggressé ; ..... Que son naturel était bon, et sans fraude ni arrière-pensée, franc et noble, prompt et fort sensible aux indignités, mais qui se revenait aisément ; qui ne provoquait point, mais aussi qui avait de terribles ergots pour se défendre. Je n’ai guère vu de personne (poursuit-il) qui se soient glorifiées de l’avoir entrepris. Conscia virtus, et si vous y ajoutez, genus irritabile vatum, le rendent bien armé contre ses assaillans. Qu’il me soit permis de faire une réflexion en peu de mots, sur l’illusion que l’on se fait en matière d’amitié. Voilà M. Diodati qui, parce qu’il avait de la tendresse pour M. Morus, ne compte pour rien un défaut très-capital et très-indigne d’un ministre, je veux dire un esprit vindicatif au souverain degré, une fierté et un emportement extrêmes : c’est dans le fond flétrir un ministre, et le destituer entièrement de l’esprit évangélique qui doit être inséparable de son caractère, que d’avouer ce que M. Diodati en avoue ; et néanmoins il ne croyait pas que ce fût

  1. Au-devant de la II. Apologie de Milton, édit. Hagæ Comit. 1654. George Crantzius, docteur en théologie, est l’auteur de cette préface.
  2. Produite dans le Fides publica, pag. 111 et suiv.