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MAGIUS.

répond-elle au titre de l’ouvrage où elle a été fourrée ? Ce titre ne nous promet que les événemens mémorables de l’église.

MAGIUS [a] (Jérôme) a été un des savans hommes du XVIe. siècle. Il était né à Anghiari dans la Toscane (A), et ayant étudié les humanités, et les premiers élémens du droit civil sous Pierre Antoine Ghéti [b], il s’en alla à Bologne, pour y profiter des leçons de Robortel. Il fit des progrès considérables en diverses sciences, et donna à connaître de bonne heure qu’il était propre, aux emplois publics ; car il fut député à Florence pendant sa jeunesse [c]. C’était un esprit qui ne se bornait pas à un certain nombre d’études : il donnait presque dans tout ; car, outre les belles-lettres et la jurisprudence, il voulut savoir l’art militaire, et composer même des livres là-dessus [d], quoique la médiocrité de sa fortune, qui l’obligea à se mettre aux gages des imprimeurs de Venise [e], semblât demander qu’il ne se répandît pas sur ces sortes d’occupations. Mais c’est de ce côté-là qu’il s’est signalé davantage, puisqu’ayant été envoyé dans l’île de Chypre par les Vénitiens, pour y exercer la charge de juge d’armée, et les Turcs ayant assiégé Famagouste, il y rendit tous les services qu’on pouvait attendre d’un excellent ingénieur. Il trouva l’invention de certains fourneaux et de certains feux d’artifice, avec lesquels il ruinait les travaux des Turcs, et en un moment il renversait des ouvrages qui leur avaient coûté une longue peine [f]. Mais ils n’eurent que trop d’occasions de se venger du retardement qu’il causa à leur entreprise ; car la ville étant enfin tombée en leur puissance au mois d’août 1571, Magius devint leur esclave, et en fut traité cruellement. Sa consolation en ce triste état fut le souvenir des choses qu’il avait autrefois apprises ; et comme il avait beaucoup de mémoire, il ne se crut pas incapable, quoique destitué de toutes sortes de livres, d’en composer qui fussent remplis de citations. Ce fut à quoi il employait une bonne partie de la nuit (B), étant obligé de travailler pendant le jour comme le plus vil esclave. Il conjura l’ambassadeur de l’empereur et celui de France, de travailler à sa liberté : mais soit qu’ils ne prissent pas assez à cœur ses intérêts, soit que leurs bonnes intentions fussent éludées par la barbarie des Turcs (C), il est certain que Magius, bien loin de recouvrer sa liberté, fut étranglé en prison le 27 de mars 1552 [* 1]ou 1573 (D), comme on l’a su par le Journal d’Arnoul

  1. * « C’est sûrement 1572, dit Leclerec, le Mémoire de Manlius, portant : 27 martii, nocte diei Jovis. Le 27 était un jeudi en 1572. »
  1. Je le mets sous son nom latin, que quelques-uns, comme du Ryer dans sa version de M. de Thou, ont traduit par Maggi, quelques autres par Maggio, comme M. le Pelletier dans la version de Gratiani, de la Guerre de Chypre.
  2. Magius, Miscell., lib. IV, cap. I.
  3. Idem de Tintinnab., cap. XVIII.
  4. Voyez ce qu’il en dit, Miscell., lib. I, cap. I.
  5. Ad hæc Venctiis, ubi et typographis eperam navâsse fertur, etc. Fr. Swertius. in Elogio Magii, init. lib., de Tintinnab.
  6. Ant. Maria Gratiani, Guerre de Chypre. liv. III.