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MORUS

amitié et de son estime, il lui envoya son médecin dans la maladie qu’il eut à Florence, et lui fit un riche présent, digne de celui qui le donnait, et digne de celui qui le recevait......... On dit que le médecin que ce duc envoya pour visiter ce malade, et pour le traiter dans sa maladie, fut tellement surpris, dans les entretiens qu’il eut avec lui, de l’entendre raisonner avec tant de force, tant de profondeur et tant de pénétration sur toute sorte de sciences et principalement sur la médecine, qu’il avoua, quelque habile qu’il fût lui-même dans sa profession, que son malade en savait plus dans la médecine, qu’il n’en avait appris lui-même dans cette science, où il avait donné tous ses soins et toutes ses veilles.

(F) Après quelques bourrasques essuyées dans les synodes wallons. ] En effet au mois d’avril 1659, le synode de Tergou le cita, sur quelques plaintes qui avaient été portées contre lui. Il alla bien à Tergou, mais il ne jugea pas à propos de se présenter au synode ; il fit seulement savoir à la compagnie qu’il ne dépendait plus que des églises de France, auxquelles il s’était engagé. Il ne prévint point par-là sa condamnation, comme il l’avait cru ; car le synode déclara qu’il n’était point en état d’exercer avec édification son ministre en ce pays, ni d’y communier [1]. Le synode de Nimègue confirma ce jugement au mois de septembre 1659 [2], nonobstant les lettres de l’église de Paris, touchant l’admission de M. Morus à cette église, accompagnées d’un acte du synode d’Aï, du 8 mai 1659, qui ratifiait cette admission. M. de Thou, qui était alors ambassadeur de France à la Haye, se mêla de la chose en faveur de M. Morus, par un grand mémoire qu’il présenta à MM. les États généraux, qui ordonnèrent, par acte du 6 avril 1660, communiqué au synode de Harlem, qu’on les informât des procédures qui avaient été tenues dans cette affaire. Ce synode députa trois pasteurs et deux anciens à MM. les États, pour leur donner l’éclaircissement qu’ils souhaiteraient. Je pense qu’on en demeura là.

(G) Toutes leurs accusations furent éludées ou trouvées nulles. ] Rapportons ce que l’on trouve sur ce sujet dans l’Histoire de l’Édit de Nantes. Le commissaire du roi au synode national de Loudun « ne s’opposa point à la lecture des informations envoyées de Hollande contre Alexandre Morus, de qui le ministère était alors recherché par l’église de Paris. Il voulut bien même qu’en jugeant on eût égard à ces actes, et que les avis y fussent fondés ; mais il fit insérer dans l’arrêté du synode une espèce de protestation qui portait que le jugement serait rendu suivant les libertés de l’édit, les lois de la discipline et les usages du royaume, sans s’assujettir à nulle autorité, juridiction, ni jugement étranger, ni renvoyer l’étranger à la juridiction, ou au jugement d’autres que ceux du royaume, ce qui serait contraire aux ordonnances et édits, bien et avantage des sujets du roi. Par ce moyen ce fut le commissaire plutôt que le synode qui jugea l’affaire, parce que l’instruction n’en étant pas achevée dans le pays où l’accusation était née, et la protestation du commissaire empêchant d’y renvoyer Morus, pour se justifier sur les lieux, on ne trouvait pas les informations suffisantes pour le convaincre. Il fut donc absous, et on confirma la vocation qui lui était adressée. Mais il serait malaisé de dire si cette vocation fit plus de bien que de mal, parce qu’elle porta dans le consistoire et dans l’église une si grande division, que l’un des partis appelait édification ce que l’autre appelait scandale ; qu’il parut de grands excès d’un côté, des soupçons de passion de l’autre ; quelque chose de trop recherché pour détruire

  1. Voici les paroles du synode, article XXVII : La compagnie a déclaré que ledit Alexandre Morus était incapable d’exercer aucune fonction du saint ministère de l’Évangile au milieu de nous, et d’y participer à la sainte cène du Seigneur, jusques à ce que, par une sincère repentance de ses péchés et une conversation sans reproche, il ait réparé tant de scandales qu’il nous a donnés, etc.
  2. La compagnie a jugé, que la compagnie alors avait eu de très-suffisantes raisons pour prononcer cette sentence ; et partant, le présent synode a approuvé, ratifié, et confirmé de nouveau l’article 27 du précédent synode. Actes du synode de Nimègue du mois de septembre 1659, article XXI.