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MAGIUS.

plus lieu de douter après ces paroles, que le marché pour la rédemption n’ait été conclu ; mais voici apparemment ce qui gâta tout. Mahomet Bacha apprit que Magius avait été chez l’ambassadeur de l’empereur., il crut remarquer là trop d’empressement ; il se souvint des coups que cet habile ingénieur avait su faire : il n’en fallut pas davantage pour le porter à donner ordre qu’on l’étranglât la nuit suivante. M. Gallois [1] en parle d’un ton encore plus affirmatif dans l’extrait du Traité des Cloches. Les ambassadeurs, dit-il, traitèrent de sa rançon : mais en pensant avancer sa liberté, ils ne firent qu’avancer sa mort ; car un bacha, qui n’avait pas oublié les maux que Magius avait faits aux Turcs au siége de Famagouste, avant appris qu’on l’avait mené au logis de l’ambassadeur de l’empereur, l’envoya reprendre, et le fit étrangler la nuit même dans la prison.

M. de Thou n’a pas été assez bien instruit sur cet article. Il avait bien ouï dire que Magius avait fait quelque chose dans sa prison ; mais, 1°. il ignorait ce que c’était, et ainsi M. Moréri ne devait pas lui faire dire que c’était un Traité de Culeo [2], et une autre de Tintinnabulis. 2°. Il ignorait que Magius eût dédié l’un de ces deux livres à l’ambassadeur de l’empereur, et l’autre à l’ambassadeur de France, et les eût suppliés de travailler à sa liberté. 3°. Il ignorait qu’ils y eussent travaillé. 4°. Il ignorait que celui qui fit étrangler Magius n’était point son maître : l’auteur de cette barbarie était Mahomet Bacha : mais le maître de Magius n’était qu’un capitaine de vaisseau [3]. 5°. Il ignorait la raison pourquoi on fit mourir cet illustre prisonnier, puisqu’il croit qu’on se porta à cette fureur par avarice, quasi bos, dit-il [4], vetulus ab ingrato aratro fastiditus, ab immani hero sumptibus parcente strangulatus est. 6°. Enfin il n’a pas dû dire que Magius fut amené en Asie (ce que bien d’autres ont dit après lui [5] : il fut amené à Constantinople, et y passa tout le temps de sa servitude. Concluez de tout cela hardiment que le Dictionnaire de Moréri avait bon besoin d’être rectifié sur cet article, qui n’y est composé que des paroles de M. de Thou.

(D) Il fut étranglé le 25 de mars 1552, ou 1553. ] Ce qui me fait marquer avec si peu de certitude l’année de sa mort, est que d’un côté Manlius a écrit dans son journal que Magius fut tué en prison, la nuit du jeudi 27 de mars 1572 [6], et de l’autre qu’il a écrit sur la première page du livre de Equuleo, que Magius lui ayant laissé ce livre fut étranglé peu de jours après par l’impie Mahomet Bacha, à Constantinople, 1573 [7]. Ce serait à Manlius, s’il était en vie, à ôter l’ambiguïté de cette date. Jungerman y a trouvé assez de clarté pour pencher à croire que la fin tragique du pauvre Magius arriva l’an 1573. L’imprimeur de M. Teissier a mis 25 mai, pour 27 mars.

(E) Je donne la liste des ouvrages qu’il avait publiés avant que d’aller en Chypre. ] Magius avait fait imprimer de Mundi exitio per Exustionem, libri quinque, Basileæ, 1562 fol. ; Vitæ illustrium Virorum, auctore Æmilio Probo, cum commentariis, Basileæ, fol. Lambin a été accusé d’avoir pris beaucoup de choses dans ces commentaires, sans en faire honneur à Magius [8]. Commentaria in quatuor Înstitutionum civilium libros, Lugduni, in-8°. ; Miscellanea [9], sive variæ Lectiones, Venetiis, apud Jordanum Ziletium, 1564, in-8°. Il avait publié aussi quelques livres en italien, comme il le dit expressément dans l’épître dédicatoire de Tintinnabulis ; et néanmoins l’un [10] de ceux qui nous ont donné son éloge ne marque qu’un livre italien parmi ceux qui ont été publiés, duquel il

  1. Journal des Savans, du 4 janvier 1666.
  2. Nouvelle faute : il fallait dire Equuleo, et non pas Culeo.
  3. Trichet du Fresne, in Elogio Magii.
  4. Histor., lib. XLIX, ad ann. 1571.
  5. Swert., in Elog. Konig. Biblioth., p. 494.
  6. 1572, 27 martii, nocte diei Jovis necatur in carcere Hieronymus Magius.
  7. Hunc librum mihi reliquit D. Hieronymus Magius, paucis post diebus ab impio Mahomete Bassâ strangulatus, Const. 1573. Ex Segheti epist. ad Jungerm.
  8. Swert., in Elogio Magii.
  9. Ils sont divisés en quatre livres. Gruter les a insérés dans le IIe. volume de son Thesaurus Criticus. L’Épitome de la Bibiothéque de Gesner, 1583, distingue mal à propos les Miscellanea des variæ Lectiones.
  10. Trichet du Fresne.