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MAHOMET.

tament de Mahomet (AA), qui a bien la mine d’être une pièce supposée : c’est un traité de mutuelle tolérance, qui fut conclu, dit-on, entre lui et les chrétiens. On peut alléguer des preuves de fausseté tirées de la pièce même (BB). Quoi qu’il en soit, il est sûr qu’au commencement il eut pour eux plus d’humanité que pour les Juifs : ce qui est assez étrange ; car avec l’esprit de conquérant qu’il fit éclater, il était fort propre à se faire suivre par la nation judaïque, comme le Messie qu’elle attendait (CC). Les mahométans ont pour lui une très-grande vénération (DD), de quoi ils donnent des témoignages bien particuliers. Ils font des pèlerinages fort dévots à la ville de sa naissance, et à celle où est son tombeau. Il n’est pas vrai que ce tombeau soit suspendu (EE), comme plusieurs écrivains le disent en se copiant les uns les autres ; et il n’est pas trop certain qu’aucun architecte soit capable d’un tel ouvrage (FF). Il court plusieurs prédictions qui menacent le mahométisme depuis long-temps (GG), et l’on conte que Mahonet, interrogé combien durerait sa religion, montra ses doigts étendus, et l’on prétend que cela signifiait qu’elle durerait mille ans, et qu’ainsi elle finirait l’an 1639[a]. Je n’examine point si le calcul est bien juste, et ne m’amuse pas à réfuter de semblables choses. Je dois dire en faveur des auteurs chrétiens, que ce sont les sectateurs de cet imposteur qui ont débité de lui les fables les plus ridicules. Ce sont eux qui nous apprennent que le riz et la rose naquirent de sa sueur (HH) ; et que l’ange Gabriel lui enseigna la composition d’un ragoût qui lui donnait de grandes forces pour jouir des femmes (II). Au reste, la religion de ce faux docteur a été sujette au même inconvénient qu’on a remarqué à la naissance du christianisme, et à celle de la réformation de Luther ; car dès qu’il eut prophétisé, il s’éleva plusieurs faux prophètes (KK), et ses sectateurs se divisèrent bientôt. Je m’étonne moins de sa hardiesse à l’égard de la promesse du Paraclet, que de celle de quelques auteurs arabes, qui se vantent d’avoir lu des exemplaires de l’Évangile, qui contenaient des choses touchant Mahomet, qu’ils prétendent que les chrétiens ont effacées (LL). Je ne sais si l’on doit croire ce que disent quelques-uns, que Mahomet déclara qu’il n’y avait que le tiers de l’Alcoran qui fût véritable (MM).

Qui voudra voir une suite chronologique des actions et des aventures de ce faux prophète, soutenue de fort bonnes citations, et d’un beau détail de circonstances, n’aura qu’à lire l’ouvrage de M. Prideaux[b]. Il a été traduit d’anglais en français [c] depuis la première édition de ce Dictionnaire. On y voit entre autres choses beaucoup de preuves que Mahomet a été un imposteur, et qu’il a fait servir son imposture à sa cupidité[d].

  1. Voyez Andréas Carolus, à la page 953 du Memorabilia eccles. sæculi XVII.
  2. Intitulé la Vie de Mahomet.
  3. La traduction française a été publiée à Amsterdam, l’an 1698.
  4. Prideaux, Vie de Mahomet, pag. 155.