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PATIN.

ains au-contraire eux-mesmes en un besoin voudroyent estre les premiers de la partie. Outre plus ce qu’elles voyent plusieurs, qui estoyent auparavant nonnains comme elles, estre mariées publiquement[1], et s’en trouver bien, les fait un peu mieux penser à leurs consciences quant à entreprendre tels meurdres. Mais il faut confesser que ceste meschanceté passe bien outre les cloistres, jusques aux filles à marier qui sont auprès de leurs pere et mere, ou en la garde de leurs parens, et mesmement celles de bonne maison, jusques à maintes femmes veufves aussi. Ce que ledict Pontanus n’a pas celé non plus, touchant celles de son temps ; car il ajouste à ce que je vien d’alleguer de luy, nec verò monstrosa hâc feritate sacerdotes tantùm, verùmetiam viduæ ac nubiles puellæ splendidissimæque etiam fœdantur familiæ. Il est avenu aussi souvent à des chambrieres de faire le tour[2], et c’est à celles-ci ordinairement, non pas aux autres, que s’adressent messieurs de la justice, (suivant le proverbe que nous avons allegué ci-dessus de Juvenal,

Dat veniam corvis, vexat censura columbas ). »


Car il me souvient d’avoir veu pendre à Paris assez souvent des chambrieres pour ce crime ( mais nulles d’autre qualité ), et notamment ay souvenance d’avoir veu faire és escoles de medecine l’anatomie d’une chambriere qui avoit esté pendue pour ce mesme forfaict, asçavoir pour avoir jetté son enfant dedans des latrines[3] … Or n’y a il personne qui peust sçavoir avantage de tels secrets que les sagefemmes, n’estoit que la maniere est aujourd’huy de les aller querir en leurs maisons, et aprés leur avoir bandé les yeux, les mener au logis où est la femme qui en ha besoin, et est alors masquée ou autrement bouchée, de peur d’estre connue par elles, ausquelles il est force de desbander alors les yeux…[4] Il est bien vray qu’aujourdhuy maintes dames n’ont besoin d’en venir jusques-là, par le moyen de plusieurs preservatifs qui les gardent de devenir grosses. » Il y a quelques fautes dans ce passage de l’Apologie d’Hérodote, comme on le verra si l’on prend la peine de lire mes observations en notes. Cela seul me pourrait servir d’excuse de l’avoir rapporté si au long.

Le premier passage d’Ovide qu’Henri Étienne a cité[5], est dans l’élégie XIV du IIe. des Amours, et nous fait connaître qu’on savait communément à Rome, en ce siècle-là, une chose qu’un vieux apothicaire, qui avait lu beaucoup de livres de chirurgie et de médecine, m’avoua qu’il ne savait point avant qu’il eût vu un livre nouveau que je lui avais prêté. Il me dit, en me le rendant, qu’il y avait appris deux observations très-curieuses dont il n’avait pas encore entendu parler, et qui concernent les marques à quoi l’on peut connaître si une femme a eu des enfans. M. Lamy, médecin de la faculté de Paris, est l’auteur du livre en question. Or voici ce qu’il rapporte[6]. « Cette femme[7] avait eu des enfans ; et avant que de l’ouvrir, et sans soupçonner rien de ce que nous trouvâmes, nous le reconnûmes par des marques certaines. Madame la Marche, maîtresse sage-femme de l’Hôtel-Dieu, y était présente. Elle a une capacité singulière dans sa profession, et beaucoup d’esprit et de discernement pour toutes choses. Je lui demandai sa pensée sur beaucoup de ques-

    vence des confesseurs, étaient moindres qu’autrefois. Les reproches des protestans avaient excité quelque sorte de honte et de vigilance.

  1. Je ne comprends pas cette raison de Henri Étienne ; car ou il parle des nonnains qui s’étaient faites protestantes, ou de celles à qui le pape avait permis de se marier, et rien de tout cela ne paraît propre à porter une religieuse enceinte à sauver son fruit : se déclarer grosse n’est pas le moyen d’obtenir du pape la dispense de ses vœux.
  2. Voyez, tom. IX, pag. 92, l’article Launoi (Matthieu de), remarque (E), au dernier alinéa, pourquoi les servantes sont plus sujettes que d’autres à la corruption.
  3. Henri Étienne, Apologie d’Hérodote, pag. 225.
  4. Là même, pag. 226.
  5. Ci-dessus, citation (49).
  6. G. Lamy, Dissertation contre la nouvelle Opinion qui prétend que tous les animaux sont engendrés d’un œuf, pag. 218 et suiv. Cette Dissertation fut imprimée avec quelques autres traités du même auteur, à Paris, 1668, in-12.
  7. C’est-à-dire une femme dont on avait fait l’anatomie.