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PÉRIANDRE.

eodem lib. 5. polit. ait, cap. 11. Τούτων, inquit, τὰ [1] πολλὰ ϕάσι καταςῆσαι Περίανδρον. M. Ménage, sur ces mêmes paroles de Laërce, cite Suidas, qui assure que Périandre eut trois cents gardes, et qu’il défendit aux Corinthiens d’avoir des valets, et de vivre sans rien faire. Il inventait toujours quelque chose pour les occuper, et il mettait à l’amende ceux qu’il trouvait assis aux places publiques : il craignait qu’ils ne machinassent quelque chose contre lui. Disons néanmoins qu’Hérodote ne lui attribue point la première institution de la tyrannie, mais à Cypsèle, qui, ayant régné trente années dans Corinthe fort durement, laissa son autorité à Périandre son fils. Τυραννεύσας δὲ ὁ Κύψελος τοιοῦτος δή τις ἀνὴρ ἐγένετο· πολλοὺς μὲν Κορινθίων ἐδίωξε, πολλοὺς δὲ χρηματων ἀπεςέρησε, πολλῷ δ᾽ἔτι πλείςους τῆς ψυχῆς. Cypselus verò tyrannide potitus, talis extitit ut Corinthiorum multos insequutus sit, multos pecuniâ, longè plurimos animâ privaverit [2]. Celui-ci d’abord fut moins rude que son père, et puis beaucoup plus cruel.

(B) La statue d’or qu’il avait vouée. ] Remarquez ici une preuve fort sensible du désordre où les fausses religions laissent le cœur et l’esprit. Elles ne corrigent point l’inclination au péché. Voici Périandre qui fait des vœux, et qui n’ose se dispenser de les accomplir, lors même qu’il n’a point d’argent [3]. Il croit donc qu’il y a des dieux ; il croit une providence : cependant il se souille dans l’inceste et dans le sang innocent ; il tue sa femme, etc. Passons aux désordres de l’esprit. Ce même tyran ne craint le châtiment de ses incestes et de ses meurtres, mais il craint que, s’il n’offrait pas aux dieux une masse d’or qu’il leur a promise, ils l’accableraient de maux, ils le puniraient sévèrement. Rien plus, il se persuade qu’encore qu’il n’accomplisse son vœu que par un vol très-injuste, et qui met au désespoir toutes les femmes de Corinthe, la statue d’or qu’il consacre ne laissera pas de plaire aux dieux, et de le sauver des malheurs qu’ils eussent versés sur sa tête, s’il n’eût pas offert le simulacre qu’il avait voué. Excepté la violence faite à l’honneur et à la foi, il n’y en a point de plus rude aux honnêtes femmes, que de les dépouiller de leurs ornemens. La passion d’être bien mise et bien parée a toujours eu une grande force dans le sexe. Φιλόκοσμον genus femineum est : multasque etiam insignis pudicitiae, quamvis nulli virorum, tamen sibi scimus libenter ornari. [4]....... Ut taceam de inaurium pretiis, candore margaritarum, rubri maris profunda testantium, smaragdorum virore, cerauniorum flammis, hiacynthorum pelago, ad quæ ardent et insaniunt studia matronarum [5]. Je ne remarque cela que pour rendre plus odieux l’esprit tyrannique du prétendu sage de la Grèce. Voyez la remarque (D).

(C) Il commit inceste avec sa mère. ] Elle s’appelait Cratéa. [6] : quelques-uns, disent [7] que, ne pouvant réprimer les mouvemens impétueux de sa passion, elle proposa à son fils de coucher secrètement avec une femme très-amoureuse de lui, et qui ne voulait pas être reconnue. Il y acquiesça, et ainsi il eut affaire avec sa mère sans le savoir ; car Cratéa s’était mise au lit où la prétendue amante dont elle avait parlé à son fils se devait trouver. Ce commerce dura long-temps sur le même pied ; mais enfin Périandre voulut voir qui était cette personne dont il avait si souvent joui. Il fit cacher quelqu’un dans la chambre, et lorsque sa mère s’allait coucher, il vint à elle avec un flambeau. Il l’aurait tuée sur-le-champ si un génie qui lui apparut ne l’en avait empêché. De-

  1. Il ne fallait donc pas qu’Aldobrandin employât le mot omnium. Ce qu’il cite d’Aristote le réfute.
  2. Herodot., lib. V, cap. XCII, pag. 324.
  3. Ἔϕορος ἱςορεῖ ὡς εὔξαιτο, εἰ νικήσειεν Ὀλύμπια τεθρίππῳ, χρυσοῦν ἀνδριάντα ἀναθεῖναι, etc. Ephorus in historiâ, vovisse illum tradit, si Olympia quadriga vicisset, auream statuam deo sacraturum, victoriâ verò potitum, et auro egentem, etc. Diog. Laërt., lib. I, num. 96, pag. 60.
  4. Hieron., epist. ad Gaudentium de Pacatulæ Institut., pag. m. 268.
  5. Idem, Epist. ad Demetriadem de servandâ Virginitate, pag. 291.
  6. Diog. Laërt., lib. I, num. 96.
  7. Parthenius, in Eroticis, cap. XVII.