Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T11.djvu/635

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
617
PÉRICLÈS.

ut indicat facetus Aristophanes, Peloponnesiaci belli caussam explicans, nempè ob amorem Aspasiæ, et raptas à Megarensibus ejus ancillas, Periclem decretum luctuosum illud de bello Megarensibus indicendo, velut ignem flabello, excitâsse, et accendisse. N’oublions pas les deux crimes dont Aspasie fut accusée par le comédien Hermippus : ce ne furent pas des médisances de théâtre ou de comédie ; car Hermippus se porta pour accusateur dans toutes les formes devant les juges : il l’accusa d’impiété, et d’attirer chez elle des femmes pour les plaisirs de Périclès [1]. Je ne sais pas bien si l’on prétendit qu’elle eût fait ce maquerellage depuis que Périclès l’eut épousée. En ce cas-là le second crime eût été aussi extraordinaire que le premier ; car il est presque aussi rare qu’une femme serve de maquerelle à son époux, qu’il est rare qu’elle soit sans religion. Pendant que la cause fut plaidée, Périclès employa tant de prières et tant de pleurs auprès des juges, qu’il obtint l’absolution d’Aspasie. Il n’espéra pas la même grâce pour Anaxagoras que l’on avait accusé d’irréligion en même temps, sous prétexte qu’il expliquait les météores par des raisons philosophiques [2] : il le fit sortir d’Athènes pour le tirer du péril. Ἀσπασίαν μὲν οὖν ἐξητήσατο πολλὰ πάνυ παρὰ τὴν δίϰην, ὡς Αἰσχίνης ϕησίν, ὰϕεὶς ὑπὲρ αὐτῆς δάϰρυα, ϰαὶ δεηδεὶς τῶν διϰαςῶν, Ἀναξαγóραν δὲ, ϕοβηθεὶς, ἐξἐπεμψε καὶ προὔπεμψεν ἐϰ τῆς πόλεως. Ac Aspasiam quidem eripuit Pericles precibus, pro quâ vim lacrymarum in causâ dicendâ (ut scribit Æschines) profudit, obsecravitque judices : Anaxagoram trepidans ablegavit, atque ex urbe deduxit [3]. Athénée cite un autre auteur qui rapporte le même fait, et qui observe que Périclès courant risque de la vie avait moins versé de larmes, qu’il n’en versa dans le péril d’Aspasie. Καὶ ϕευγούσης ποτὲ αὐτῆς γραϕὴν ἀσεβείας, λέγων ὑπὲρ αὐτῆς, πλείονα ἐδάκρυσεν ἢ ὅτε ὑπὲρ τοῦ βίου καὶ τῆς οὐσίας ἐκινδύνευσεν. Et cùm impietatis accusata fuisset, orationem pro illâ habuisse, effusiùs lacrymantem, quàm cùm vitæ ac fortunarum periculum adiisset [4]. M. le Fèvre, dans la Vie des Poëtes grecs, page 81, enveloppe cette accusation d’Aspasie sous des paroles que tout le monde n’entend pas. Aspasie, dit-il, mérite bien cet honneur, puisqu’elle fut la maîtresse d’un homme qui fut maître de l’Attique et des les de la mer Égée ; puisqu’elle fut la Junon de l’olympien Périclès ; puisqu’elle faisait des vers et des harangues ; et puisque enfin elle savait autant de réthorique qu’en savait Prodicus et Gorgias, le grand cymbaliste de Grèce. Mais elle savait bien encore autre chose, que je ne vous dirais jamais si je n’avais résolu de vous parler d’Hermippe, poëte comique qui vivait en même temps qu’elle. Cet Hermippe..... fit des vers contre Périclès, et accusa même Aspasie de faire un certain métier que Périclès ne haïssait point. Ce métier c’est ce qui m’embarrasse. Voyons pourtant si on ne saurait s’expliquer honnêtement sur un si sale sujet. Disons, monsieur, qu’elle faisait pour Périclès ce que Livie faisait pour Auguste, lorsqu’il était dégoûté, et que les nuits lui semblaient trop longues, etc. Ce que M. le Fèvre dit de Livie se trouve dans Suétone, au chapitre LXXI de la Vie d’Auguste. Circà libidines hæsit, posteà quoque ut ferunt, ad vitiandas virgines promptior, quæ sibi undique etiam ab uxore conquirerentur. Amyot a représenté naïvement le sens de Plutarque : je rapporte toutes ses paroles, afin qu’on voie toute l’étendue du crime dont Aspasie fut accusée : on verra qu’elle débauchait, non pas des esclaves et des étran-

  1. Ἀσπασία δίκην ἔϕευγεν ἀσεβέιας, Ἑρμίππου τοῦ κωμῳδοποιοῦ διώκοντος, καὶ προσκατηγοροῦντος ὡς Περικλεῖ γυναῖκας ἐλευ θέρας εἰς τὸ αὐτὸ ϕοιτώσας ὑποδέχοιτο. Aspasia violatæ religionis est rea facta, accusatore comœdiarum scriptore Hermippo : objecit prætereà eam liberas fœminas, quibus illudebat Pericles, recipere. Plutarch., p. 169, D.
  2. Ψήϕισμα Διοπείθης ἔγραψεν, εἰσαγγέλλεσθαι τοὺς τὰ θεῖα μὴ νομίζοντας ἢ λόγους περὶ τῶν μεταρσίων διδάσκοντας, ἀπερειδόμενος εἰς Περικλέα δἰ Ἀναξαγόρου τὴν ύπόνοιαν. Rogationem tulit Diopithes, nomina ut deferrentur eorum qui esse deos negarent, aut qui sermones de rebus æthereis sererent, eâ suspicione perstringens Anaxagoræ causa Periclem. Idem, ibid.
  3. Idem, ibidem, E.
  4. Athenæus, lib. XIII, pag. 589, ex Antisthene Socratico.