manières en composant tenaient beaucoup de la singularité qui lui était propre (F), et faisaient qu’un fidèle ami lui était très-nécessaire pour la révision de ses écrits. Il choisit Porphyre pour cette fonction, préférablement à Gentilien Amélius, qui avait été vingt-quatre ans son disciple, et qu’il estimait beaucoup, comme on l’a pu voir en un autre lieu [a]. La considération que les Romains eurent pour Plotin est incroyable. Il se fit des disciples jusques au milieu du sénat ; et il y eut des sénateurs qui, non contens d’être assidus à son auditoire, sortirent de la magistrature pour mener une vie de philosophe. Il inspira à des personnes de l’autre sexe une forte inclination pour l’étude de la philosophie. Il y eut une dame [b] qui voulut qu’il logeât chez elle, et qui avec sa fille prenait un grand plaisir à l’entendre. Il passait pour un homme si habile et si vertueux tout ensemble, que plusieurs personnes de l’un et de l’autre sexe, à la veille de leur mort, lui confiaient et leurs biens et leurs enfans, fils et filles, comme à une espèce d’ange gardien [c] : Il ne refusait point cet embarras. Il avait souvent la patience d’assister à la reddition des comptes des tuteurs. Il était l’arbitre de mille procès ; et cela avec tant d’équité et d’honnêteté, qu’il ne se fit aucun ennemi pendant les vingt-six ans qu’il fut à Rome. Il ne trouva pas la même justice parmi toutes les personnes de sa profession ; car un philosophe d’Alexandrie [d], qui affectait le premier rang, n’oublia rien pour le faire mépriser ; et il se servit même de l’art magique pour le perdre. Je dirai, dans les remarques, comment on a prétendu que les sortiléges de cet homme furent repoussés (G) ; et par occasion je toucherai quelque chose de l’esprit familier, et la sagacité surprenante qu’on attribue à Plotin (H). L’empereur Gallien et l’impératrice Salonine eurent pour lui une extrême considération ; et sans les traverses de quelques courtisans jaloux et malins, il eût obtenu ce qu’il demandait, savoir qu’on fit rebâtir une ville de Campanie [e], et qu’on la lui cédât avec tout son territoire. Il avait dessein d’y établir une colonie de philosophes, et d’y faire pratiquer les lois idéales de la république de Platon. Quelques envieux l’accusèrent de s’être enrichi des pensées de Niménius : mais Amélius prit la plume pour repousser cette accusation. Longin, qui s’était laissé prévenir contre ce grand philosophe, fit ensuite beaucoup de cas de ses écrits, quoiqu’il avoue qu’il y trouvait de grandes obscurités (I). Il écrivit contre son Traité des Idées, et contre ce que Porphyre avait répondu pour soutenir ce
- ↑ Dans l’article Amélius, tome I.
- ↑ Elle et sa fille se nommaient Gémina.
- ↑ Πολλοὶ δὲ καὶ ἄνδρες καὶ γυναῖκες ἀπονήσκειν μέλλοντες τῶν εὐγενεστάτων φέροντες, τὰ ἕαυτῶν τέκνα ἀῤῥενάς τε ὁμοῦ καὶ θηλείας, ἑκείνω παρεδίδοσαν μετὰ τῆς ἄλλης οὐσίας, ὠς ἱερῷ τινι καὶ θείῳ φύλακι. Multi quin etiam vīri multæ et mulieres geniris nobilitate pollentes cùm morti jam propinquarent, filios suos tùm feminas unà cum omni substantiâ Plotino tanquàm sacro cuidam divinoque custodi tradebant atque commendabant. Porphyr, In vitâ Plotini.
- ↑ Il s’appelait Olympius.
- ↑ Elle devait être appelée Platonopolis.