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SADUCÉENS

et æternis, permiserat Deus varias de his opiniones oriri et sapientum synagogas inter se altercationibus discuti.[1] Le sieur Willemer trouve fort mauvaise cette pensée[2], et veut qu’on recoure aux théologiens orthodoxes, qui ont réfuté les sociniens, etc., touchant la foi du peuple juif

(B) Ils fondèrent deux sectes pernicieuses. ] Tout le monde n’avoue pas que chacun de ces deux disciples d’Antigonus ait fondé une faction ; il y a de forts savans hommes qui prétendent que la secte des saducéens et celle des baithuséens n’était qu’une seule secte, que l’on désignait indifféremment tantôt sous le nom de Sadoc, l’un de ses deux fondateurs, tantôt sous le nom de Baithus, l’autre fondateur ; mais comme Sadoc fut plus ardent que son collègue à soutenir le parti qu’ils avaient formé, son nom servit plus souvent que celui de Baithus à désigner leurs sectateurs. Ceux-ci même aimèrent mieux être saducéens que baithuséens, parce qu’ils craignirent que comme Baithus était un bâtard, cela n’attirât sur eux quelque tache et quelque reproche désagréable. Vous trouverez plus au long cette opinion dans un ouvrage de M. Carpzovius[3]. Elle est d’autant plus vraisemblable, qu’il y a de fort habiles docteurs qui avouent qu’ils n’ont jamais pu découvrir en quoi les saducéens différaient des baithuséens. Ignosce ignorantiæ nostræ, ce sont les paroles de Lightfoot[4], si fateamur nescire nos penitùs quid intererat inter sadducæum et baithusæum, an convenirent in eodem, an dissentirent in aliquibus : de baithusæum apud sacras paginas altum silentium, apud judaïcas mentio frequentissima, et videntur in quibusdam distingui à sadducæis, ast in quibus obscuriùs. Le docte Maimonides insinue clairement que ce n’étaient que deux noms d’une seule chose[5]. Il y a eu néanmoins quelques rabbins qui ont trouvé là une différence notable ; car ils ont dit que le dogme de la résurrection n’a jamais été nié dans la secte des baithuséens[6], et que les saducéens étaient beaucoup plus méchans, et tout-à-fait infidèles[7]. Quelques-uns même prétendent que les baithuséens étaient une branche des esséniens[8] ; mais on réfute invinciblement cette hypothèse[9].

(C) Cette secte ne croyait pas… que Dieu se mêlât du mal, soit pour le faire, soit pour y prendre garde. ] Josèphe leur attribue cette impiété. Rapportons ses paroles : Σαδδουκαῖοι… τὴν μὲν εἱμαρμένην παντάπασιν ἀναιροῦσι, καὶ τὸν Θεὸν ἐξω τοῦ δρᾷν τι κακὸν ἢ ἐϕορᾷν τίθονσαι : Sadducæi… fatum omninò negant, et Deum extra omnem mali patrationem inspectionemque constituunt[10]. Il n’y a point d’apparence que Josèphe ait bien compris ni bien rapporté leur sentiment ; car nous verrons ci-dessous[11] qu’ils enseignaient que Dieu récompense les gens de bien dans ce monde, et qu’il y punit les méchans. Ils allèrent, aussi bien que les pharisiens, trouver saint Jean pour se faire baptiser, lorsqu’ils apprirent qu’il prêchait la repentance dans les déserts de Judée[12]. L’Écriture leur rend ce témoignage, qu’ils voulaient se garantir des maux dont ils se croyaient menacés[13]. Peut-on donc nier qu’ils ne crussent que le baptême de repentance, administré par saint Jean, était propre à apaiser Dieu, ou à leur procurer quelque avantage ? Ils ne croyaient donc pas, comme veut Josèphe, que Dieu ne se mêlât point de la punition du mal. M. Saldénus a tort de trouver mauvais

  1. Lucas Brugensis, Annotat. in Matth. III, 7, apud Willemerum, Dissert. de Sadducæis, pag. 28.
  2. Hactenùs Brugensis mirum in modum cumulans ϕορτικὰ ἀκούσματα homine theologo indigna contra fidem fidelium V. et N. Test. essentialiter eandem. Willemer., ibidem.
  3. Joh. Benedictus Carpzovius, Lipsiensis professor linguæ hebraïcæ, in Introduct. ad Raymundi Martini Pugionem Fidei, cap. III.
  4. Lightfoot, in Horis hebr. in Act. Apostol., pag. 128, apud Willemerum, ubi suprà, p. 8.
  5. Maimonides, Comment. in Pirke Avoth, cap. I, folio 25, apud Willemerum, Diss. de Sadduc., pag. 8.
  6. R. Asarias Idumæus, apud eund., pag. 7.
  7. R. Gedalias Ben-Jéchaja, apud. eund., ibidem.
  8. R. Asarias, R. Manasse Ben-Israël, lib. I de Resurrect. Mort., cap. VI. Fullerus, lib. II Miscellan. sacror., cap. III, apud eund., ibid.
  9. Voyez Waltherus, Captur. Miscell. theol., pag. 479.
  10. Joseph., de Bello jud., lib. II, cap. VII, sub fin., pag. m. 788.
  11. Dans la remarque (E).
  12. Évangile de saint Matthieu, chap. III vs. 7.
  13. Là même.