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ZABARELLA.

bassade [a] avec un autre cardinal [b], et avec Emmanuel Chrysolore, à la cour de l’empereur Sigismond, qui demandait un concile, tant à cause des hérésies de Bohème qu’à cause des antipapes. Ce pontife chargea ses ambassadeurs de choisir pour la tenue du concile une ville qui ne lui fût pas suspecte. On assure qu’il leur marqua par écrit les villes qu’il souhaitait, mais qu’au moment de leur départ il déchira le papier où il les avait marquées (B), et leur donna un plein pouvoir là-dessus. Cela fut cause qu’ils laissèrent cette affaire au choix de sa majesté impériale. La ville de Constance fut choisie. François Zabarella parut beaucoup au concile qui s’y tint : il conseilla la déposition du pape Jean XXIII, auquel on attribuait quarante crimes très-insignes. Si l’on eût laissé aux cardinaux le droit d’élire, il y a beaucoup d’apparence que Zabarella eût été mis à la place du pontife déposé ; mais il fallut partager ce droit entre eux et les autres membres de l’assemblée (C). On la divisa en cinq classes, qui nommèrent chacune six personnes, lesquelles, avec l’association des cardinaux, élurent pour pape Othon Colonna, qui prit le nom de Martin V. Cela se fit l’an 1417. Zabarella mourut à Constance [c] le 5 de novembre de la même année [d]. On lui fit des funérailles magnifiques ; l’empereur et tout le concile y assistèrent : l’oraison funèbre fut prononcée par Pogge : le corps du défunt fut apporté à Padoue, et enterré dans la cathédrale, au côté gauche de l’autel de la Sainte-Vierge. Notre Zabarella fit beaucoup de livres (D), et mérita l’estime publique autant par ses bonnes mœurs (E) que par son habileté. Il institua pour son héritier Barthélemi Zabarella, son neveu [e], dont je parlerai dans une remarque (F). N’oublions pas qu’il eut, entre autres disciples, Pierre-Paul Vergério, qui fit une belle lettre, et fort exacte, sur la vie et sur la mort de son professeur [f].

  1. L’an 1413.
  2. C’était Antoine de Chalant. Voyez Sponde, ad ann. 1413, num. 5.
  3. Et non dans sa patrie, comme l’assure Forsterus, Hist. Juris Civil. Rom., lib. III, cap. XXXI, pag. m. 515.
  4. Il ne florissait donc pas l’an 1418, comme l’assure Gesner, in Biblioth., folio 261.
  5. Tiré de Panzirole, de claris Legum Interpretibus, lib. III, cap. XXVIII, pag. m. 443 et seq.
  6. Panzirol., ibid., pag. 444. M. Teissier n’en parle point dans sa Bibliotheca Bibliothecarum.

(A) Il fit une belle harangue. ] Il était non-seulement un docte jurisconsulte, mais aussi un bon orateur [1]. Il harangua éloquemment, le 4 de juillet 1397, sur le mariage de Nicolas d’Est avec Giliole, fille de François Carrari, second du nom, seigneur de Padoue. Sept ans après il harangua la dame Belflore, mariée avec le fils du même Carrari, lorsqu’elle fit son entrée à Padoue, et qu’on la reçut sous le dais ; il la harangua, dis-je, au nom de l’académie[2]. Il fit aussi l’oraison funèbre de François Carrari, et celle d’Arcuanus Buzacharinus[3].

(B) Au moment de leur départ il déchira le papier où il les avait marquées. ] Panzirole, que j’ai suivi fidèlement dans le corps de cet article, attribue ce changement du pape à un coup d’inspiration[4]. Mais afin qu’on

  1. Voyez Tomasin, Elog., parte I, pag. 3.
  2. Tiré de Panzirole, de claris Legum Interpretibus, lib. III, cap. XXXVIII, pag. m. 443.
  3. Tomasin, Elog., parte I pag. 10.
  4. Quod divino impulsu factum esse videtur. Panzirolus, de claris Legum Interpretibus, pag. 445.