Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
DISSERTATION

laudas, hanc poëtis romanis negatam esse licentiam ut cuiquam opprobrium infligerent Romanorum, cùm videas, eos nulli deorum pepercisse vestrorum ? Itane pluris tibi habenda est existimatio vestræ Curiæ, quàm Capitolii, imò Romæ unius quàm cœli totius : ut linguam maledicam in cives tuos exercere poëtæ etiam lege prohiberentur ; et in deos tuos securi, tanta convitia nullo senatore, nullo censore, nullo principe, nullo pontifice prohibente jacularentur ? Indignum videlicet fuit, ut Plautus aut Nævius Publio et Cneo Scipioni, aut Cæcilius M. Catoni malediceret : et dignum fuit, ut Terentius vester flagitio Jovis optimi maximi adolescentiun nequitiam concitaret. Cette pensée est plus vieille que saint Augustin, car Arnobe s’en était déjà servi [a]. Un moderne n’en parle point dans une occasion où elle aurait pu lui être commode : c’est dans une lettre où il voulait attaquer la maison d’Autriche. Il entre en matière, non pas en citant Arnobe ou saint Augustin, mais en citant Tite Live [b].« Les Espagnols, qui ont recherché les premiers la même alliance [c] que leurs partisans blâment aujourd’hui, ne s’étaient guère mis en peine de conserver la vénération qui est due aux choses saintes, ni de maintenir les immunités et les franchises du sacerdoce. C’est peut-être que se croyant les légitimes successeurs des Romains, particulièrement au dessein qu’ils ont formé de la monarchie universelle, ils pensent avoir droit de dire avec eux : Pour ce qui regarde la religion, c’est plutôt l’intérêt des dieux que ce n’est le nôtre. Ils donneront ordre, si bon leur semble, à empêcher que les choses sacrées ne soient souillées par des mains impures. Ad [* 1] Deos id magis quàm ad se pertinere, ipsos visuros ne sacra sua polluantur. N’y a-t-il pas grande apparence que Charles-Quint agissait par ce principe lorsque, l’an 1552 il déposséda dans Augsbourg trois ministres luthériens, parce qu’ils médisaient de lui, et laissa tous les autres médire tout leur soûl de Dieu, de sa mère et de ses saints : comme monsieur le duc de Nevers lui reprocha dans un discours qu’il fit au pape Sixte V [d], sur l’état présent des affaires ? Sans doute l’empereur Charles se souvenait de ce mot de Tibère, et ne s’en souvenait pas inutilement : Laissons aux immortels le soin de venger leurs injures. Deorum [* 2] injuriæ Diis curæ. »

  1. (*) Tite-Live, liv. 10.
  2. (*) Tac., Annal., lib. I.
  1. Nec à vobis saltem ictum meruerunt honorem (Dii)... Carmen malum conscribere, quo fama alterius coinquinetur et vita, decemviralibus scitis evadere noluistis impunè : ac ne vestras aures convitio aliquis petulantiore pulsaret, de atrocibus formulas constituistis injuriis. Soli Dii sunt apud vos superi inhonorati, contemptibiles, viles : in quos jus est vobis datum, quæ quisque voluerit dicere : turpitudinen jacere, quas libido confinxerit atque excogitaverit, formas. Arnob., lib. IV, pag. 150, 151.
  2. Costar., Lettre CCCXCIV du Ier. volume, pag. 974, 975.
  3. Celle de Cromwel.
  4. Voyez dans M. Arnauld, Apologie pour les Catholiques, Ire. partie, chap. VI, pag. 78, 79, un long passage du Discours de ce duc.