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SUR L’HIPPOMANES.

çais n’en lisaient aucun, et n’en achetaient aucun, les libraires ne les imprimeraient pas ; et ainsi l’avidité des Français contribue autant que toute autre chose à la production des libelles. Les menteurs et les crédules se nourrissent réciproquement, ils vivent sur la bourse les uns des autres.

(H) Les jurisconsultes qui ont fait tant de livres sur cette question. ] M. Furetière en a cité quatre ou cinq dans l’un de ses factums. C’est dans l’endroit où il veut prouver que son écrit contre quelques académiciens ne méritait pas d’être traité de libelle par la sentence du Châtelet. J’ai fait chercher inutilement le livre que Gabriel Naudé intitula le Marfore, ou Discours contre les Libelles. Il fut imprimé à Paris, chez Louis Boulenger, in-8o., je ne sais en quelle année [* 1]. Léon d’Allazzi en fait mention dans un ouvrage [1] qu’il publia l’an 1633. M. Baillet [2] cite un livre que je voudrais bien avoir lu, c’est le Bouclier céleste de Jean-Baptiste Nocette, Génois, contre les libelles diffamatoires. L’abbé Michel Justiniani [3] en met la première édition à Paris, l’an 1653, in-4°., et la deuxième, à Lyon, 1664, in-12 : l’ouvrage est en italien. Le continuateur d’Alegambe [4] n’a parlé que d’une édition ; il la met à Paris 1655. Voyez la note [5].

  1. * Guib dit que ce fut en 1620.
  1. Intitulé Apes urbanæ.
  2. Baillet, Jugem. des Savans, sur les Préjugés des libelles diffamatoires, etc., IIe. part., chap. VIII.
  3. Gli Scrittori Liguri descritti, pag. 337, 338.
  4. Nathan. Sotuel., Biblioth. Script, societ. Jesu, pag. 415.
  5. Les auteurs cités par Furetière, pag. 12 du IIIe. factum, sont Franciscus Balduinus, à Paris, 1562 ; Fredericus Banvinus ; Aurelius de Vergeriis, imprimé l’an 1564, in-8°. ; Johan. Conradus Rokembach, à Strasbourg, 1660, in-4°. ; et Henricus Bocerus, à Thubinge, 1611, in-8°. Je crois que son Fredericus Banvinus est un auteur chimérique formé peu à peu de Franciscus Balduinus, par des fautes d’impression, et à cause de quelque abréviation du prénom. La manière dont on marque dans Draudius, pag. m. 782, le livre de ce Banvinus, convient parfaitement à l’ouvrage de Balduinus.
DISSERTATION
SUR
L’HIPPOMANES [* 1].
I. Deux sortes d’Hippomanes. Servius et Pline mal cités.

L’hippomanes signifie principalement deux choses : 1°. une certaine liqueur qui coule des parties naturelles d’une jument chaude ; 2°. une excrescence de chair que les poulains nouveau-nés ont sur le front ; elle est noire, ronde et de la grandeur d’une figue sèche. On prétend que ces deux sortes d’hippomanes ont une vertu singulière dans les philtres, et dans telles autres compositions destinées à des maléfices ; et que la dernière espèce est de telle nature, qu’une cavale n’a pas plus tôt mis bas son poulain, qu’elle lui mange ce morceau de chair, et que sans cela elle ne le voudrait pas nour-

  1. * Dans le Projet et Fragmens d’un Dictionnaire critique, cet article venait à son ordre alphabétique et commençait ainsi :

    « Jusqu’ici nous n’avons donné que des articles personnels, en voici un réel : j’entends par articles réels ceux qui n’appartiennent ni à des personnes, ni à des lieux, ni par conséquent aux dictionnaires historiques et géographiques.

    » L’hippomanes signifie, etc. »

    Je n’ai pas cru devoir relever toutes les variantes : qu’importe en effet celles qui ne sont que quelque correction de style : par exemple, dans le nombre VI ci-après, pag. 194, on lit aujourd’hui : Une jument de bronze est l’objet aimé ; Bayle avait dit dans son Projet : L’objet de l’amour est une jument de bronze ; dans le Projet de 1692 le nombre VII commençait ainsi : Ce serait sortir des bornes que je me dois prescrire dans cet essai, que d’examiner si l’on doit croire, etc. On ne me reprochera pas, je l’espère, d’avoir laissé de côté de semblables variantes. Si c’est avoir failli, j’avoue l’avoir fait volontairement et de propos délibéré.