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SUR L’HIPPOMANES.

rorem agat. Le Dictionnaire de Décimator attribue la même pensée à Servius. Celui de Martinius rapporte le passage du VIIIe. livre de Pline en assez mauvais état. On y voit equi pour equis, fœtus pour fœta ; (ce qui ne fait aucun sens) ; et une virgule au lieu d’un point entre admittit et si quis. Voyez le Pline du père Hardouin [a]. En général on peut dire que ceux qui composent des dictionnaires prennent plus à tâche de compiler de nouvelles choses que de corriger les fautes des précédens.

II. D’une plante nommée hippomanes par Théocrite.

Ce n’est pas sans raison que j’ai dit, que l’hippomanes signifiait principalement deux choses ; car il y en a une troisième espèce, qui n’est pas à beaucoup près aussi notable que les autres, vu qu’on ne la trouve que dans un passage de Théocrite : encore faut-il livrer combat, pour l’y trouver, à l’un des plus savans hommes du XVIIe. siècle (A). Ce passage porte que l’hippomanes est une plante dans Arcadie, qui met en fureur les poulines et les jumens [b]. M. de Saumaise ne veut point entendre parler de cette plante. Il soutient que Théocrite n’a point dit φυτόν mais χυτὸν, et qu’il a entendu par χυτὸν la cavale de bronze qui était auprès du temple de Jupiter olympien, laquelle excitait dans les chevaux les émotions de l’amour, tout de même que si elle eût été vivante ; vertu qui lui était communiquée par l’hippomanes qu’on avait mêlé avec du cuivre en la fondant. Nous avons déjà rapporté un endroit de Pline où il est fait mention de cela ; mais il vaut mieux consulter Pausanias, qui nous en donnera un plus grand détail ; et comme ce qu’il en a dit est la clef de presque toute la critique que nous avons à donner dans cet article, il est à propos de mettre ici le passage tout entier.

III. Cheval d’airain qui donnait de l’amour.

Voici donc comme parle Pausanias [c] : Phormis sortant de Ménale, sa patrie, passa en Sicile, et se signala dans plusieurs expéditions sous Gélon, fils de Dinomènes, et sous Hiéron, frère de Gélon. C’est pourquoi, ayant fait une grande fortune, il consacra des dons, non-seulement à Jupiter olympien, mais aussi à Apollon de Delphes. Ceux qu’il consacra à Jupiter sont deux chevaux et deux cochers ; car chaque cheval a son cocher auprès de lui. Denys d’Argos fit l’un, et Simon d’Égine fit l’autre. On grava sur le côté du premier cheval une inscription, de laquelle le commencement est en prose, et à peu près de cette teneur : Phormis Arcadien, de Ménale, et présentement de Syracuse, l’a consacré. Ceux d’Élée disent que par l’artifice d’un magicien

  1. Au IIe. volume, pag. 272.
  2. Ἱππομανὲς ϕυτόν ἐςι παρ᾽ Ἀρκάσι, τῷ δ᾽ ἑπὶ πᾶσαι
    Καὶ πῶλοι μαίνονται ἀν᾽ ὤρεα καὶ θοαὶ ἵπποι.

    Hippomanes planta est apud Arcades quâ concitati omnes
    Et equulei insaniunt in montibus et celeres equæ.
    Theocrit., in Pharmaceut., p. m. 15.
    (Idyl. 2, v. 48.)

  3. Pausan., lib. V, sub. fin.