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SUR LE JOUR.

où le jour civil commençât de telle sorte, que le même jour (le lundi ou le mardi par exemple) fût porté successivement par tout le monde, et vint recommencer au bout de vingt-quatre heures dans un lieu qui touchât immédiatement le point donné. Par ce moyen il y aurait deux lieux sur la terre parfaitement contigus qui auraient, l’un le commencement du lundi, lorsque l’autre n’aurait que le commencement du dimanche ; d’où il arriverait que chaque jour durerait quarante-huit heures, non pas à l’égard d’un certain lieu, mais par rapport à toute la terre ; chaque jour de fête, par exemple, serait chômé quarante-huit heures de suite. Le point que Bergier voulut choisir pour le commencement du jour était celui, où le 180e. degré de longitude, et le 181e., se touchent dans les cartes de Mercator : et ainsi l’une des trois îles Subadibes, sous l’équateur, coupée en deux par le 180e. degré de longitude, recevrait le jour toute la première ; le dimanche y commencerait dans la partie occidentale, lorsqu’on aurait le midi du samedi sous le premier méridien, et ce même dimanche n’y commencerait dans la partie orientale, que quand le lundi commencerait dans l’autre partie. C’était au pape, selon cet auteur, à faire ce nouvel établissement, et à ordonner que désormais chaque jour de fête, chaque jour de la semaine commençât, lorsqu’il serait minuit sur les confins du 180e., et du 181e. degré de longitude ; avec défense à tous les catholiques du monde de commencer leur jour avant la minuit qui suivrait celle que l’on aurait eue sous cet endroit-là. Il est visible, qu’après un tel ordre, ceux qui se trouveraient sous le 181e. degré de longitude ne seraient à la fin du carême que vingt-quatre heures après que sous le 180e. degré on aurait eu le jour de Pâques. Cela leur serait fort commode, si l’envie de manger de la viande les pressait trop, car ils n’auraient que peu de chemin à faire, pour se trouver en pays où ils en pourraient manger selon les lois de l’église. Il n’est pas besoin que j’avertisse mon lecteur que cet avantage n’a pas été mis en ligne de compte par le sieur Bergier : ce serait plutôt une objection à lui faire (C) ; mais voici le principal avantage qu’il trouve dans ce nouvel établissement du point du jour : c’est qu’on n’aurait plus de disputes sur la célébration des jours de fête, lorsqu’en faisant le tour du monde ou par l’orient, ou par l’occident, on ne compterait pas le même jour de la semaine que ceux des pays où l’on voudrait aborder.

V. Ceux qui font le tour du monde gagnent ou perdent un jour.

Il n’est pas nécessaire d’expliquer ceci ; car personne n’ignore que ceux qui ont fait le tour du monde par l’orient se sont trouvés à leur retour plus avancés d’une journée que ceux qui avaient demeuré dans le pays, et que le contraire est arrivé à ceux qui ont fait le tour du monde par l’occident. Ceux qui revinrent à Séville sur le vaisseau