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DISSERTATION

tes de la même quantité ; car, poursuit-il, plus ils se seraient avancés, plus seraient-ils allés loin à la rencontre du soleil levant ; ainsi après avoir achevé le tour du monde, ils eussent vu lever cet astre un jour plus tôt que lorsqu’ils se mirent en chemin. Semper enim tantù citiùs orienti soli occurrens, quantò plus itineris post se circumvectus reliquisset, emenso demùm totius terræ globo die uno priùs solem sibi orientem, quàm cùm viæ se dederat, profectò habuisset [a]. Ne voilà-t-il pas une admirable raison ? Cet historien trouve que l’année de ceux qui font le tour de la terre par l’orient est plus courte d’un jour, parce qu’elle renferme un lever du soleil de plus ; mais n’est-ce pas au contraire une preuve qu’elle contient 366 jours, et par conséquent qu’elle est plus longue d’un jour ? Notez que l’année étant égale, c’est-à-dire de 365 fois vingt-quatre heures, etc., tant pour ceux qui demeurent au logis que pour ceux qui font le tour par l’orient ou par l’occident, est divisée néanmoins en plus ou moins de levers du soleil, en 365 pour ceux qui demeurent au logis ; en 366 pour ceux qui reviennent par l’occident ; et en 364 pour ceux qui reviennent par l’orient. C’est tout le mystère. Michalor n’a point critiqué Bembus sur cette mauvaise manière de raisonner ; il ne l’a censuré que d’avoir mis à rebours ce qui regarde le changement qu’un tour du monde apporté à l’année. Bembus ne persista pas toute sa vie dans son erreur : il s’exprima comme il fallait dans la traduction italienne qu’il publia de son histoire latine ; et au lieu de ces paroles, uno sibi annos illos die longiores factos.…..… uno breviores die redeunti sanè fuissent, il mit quelli anni tutti e tre essere d’un giorno fatti minori..…. d’uno più lunghi stati sarebbono [b]. Bergier [c] ne s’est point aperçu de ce sens devant-derrière de Bembus ; car, bien loin de l’en reprendre, il le cite en latin pour confirmer la même transposition qu’il venait de faire, ayant dit que le temps des voyages des compagnons de Magellan fut allongé d’un jour ; et que s’ils fussent retournés par l’occident il eût été raccourci d’un jour [d].

XI. Jules-César Scaliger critiqué.

On s’étonnera moins de ces brouilleries quand on saura que le grand Jules-César Scaliger s’y est un peu embarrassé. Voulant critiquer Cardan sur cette question, pourquoi il semble à ceux qui voyagent que les astres les suivent, et que les rivages s’éloignent d’eux [e], il lui représente qu’une matière aussi commu-

  1. Bembus, Hist. Venetæ, lib. VI, p. 131, edit. Paris., 1551, in-4o. Bergier cite l. II, pag. 218, Basil.
  2. Je cite cet Italien comme je le trouve dans Michalor.
  3. Du Point du Jour, pag. 198, 199.
  4. On pourrait rectifier ces expressions abusives, si on disait que ceux qui sont de retour de l’occident trouvent, non pas que leur année, mais que l’année de leur patrie est raccourcie ; et que ceux qui sont de retour par l’orient trouvent, non pas que leur année, mais que l’année de leur patrie est allongée d’un jour.
  5. Cardan l’examine, lib. IV de Subtil. ; mais il n’examine ni là, ni dans le XIIe. livre, chap. LXII, cités par Erycius Putéanus (qui ignorait que les livres de Subtilitate ne sont point divisés par chapitres), la matière que Putéanus lui attribue.