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DISSERTATION

dent dans la zone torride ; de sorte que ceux qui y font voile d’orient en occident ont toujours le vent en poupe, et que ceux qui tendent d’occident en orient ont toujours le vent contraire [a]. Cela fait qu’on a besoin de moins de temps pour aller d’Espagne aux Indes occidentales que pour en revenir ; sans qu’il faille néanmoins adopter, comme fit l’abbé de la Roque [b], un conte dont on se moque [c], savoir que les Espagnols vont quelquefois aux Indes occidentales en vingt-quatre heures ; mais qu’ils ne peuvent point revenir en moins de quatre mois, quelque temps favorable qu’ils aient. Pline pourrait bien avoir été trompé par des gens qui n’avaient pas bien compris ce qu’ils avaient ouï dire de l’effet de ce vent oriental. Il n’y a point de mer où les vents orientaux soient plus favorables que sur la mer Pacifique : néanmoins les vaisseaux espagnols qui la traversent pour aller de l’Amérique aux Philippines, y emploient deux mois et demi en faisant cent trente lieues par jour [d]. Je m’étonne que le commentaire Variorum, imprimé à Leyde, ne fournisse là-dessus aucun jugement raisonné. On ne saurait rien voir de plus maigre ni de plus misérable que ce qu’on y trouve sur cette matière : on n’y voit rien qui insinue quelque défiance, excepté deux ou trois mots qui apprennent que Mélichius [e] a tenu pour incroyable ce qui concerne les feux des tours et Philonide. Mais je m’étonne encore plus de la grande débonnaireté de Saumaise, qui a rapporté [f] avec des marques d’approbation ce qui concerne ce messager, et en doutant si peu de sa diligence, qu’il lui fait faire encore plus de chemin que Pline. Remarquez qu’Allatius [g] rapporte la doctrine de Jules-César Scaliger sans la censurer, et qu’il soutient Pline contre Milichius.

XII. Fautes de du Pinet, et de la Mothe-le-Vayer.

Je voudrais bien savoir comment ce chapitre de Pline a été expliqué par Érycius Putéanus, qui se vante d’être le premier qui l’ait entendu [h]. Du Pinet a mis à la marge de sa traduction, que les flots de la mer penchent plus contre le couchant que contre le levant, et que c’est la raison de ce que Pline rapporte touchant les vaisseaux qui tendent vers l’occident. Mais cette raison ne serait-elle pas aussi bonne pour la nuit que pour le jour ? Je ne dis

  1. Voyez la Géographie de la Varenne, (Bern. Varenii), lib. I, c. XXI ; et M. Rohault, Physique, IIIe. partie, ch. XI, où il donne la raison de ce phénomène, par le mouvement de la terre, selon le système de Copernic ; mais voyez, dans le Journal d’Angleterre, la Relation historique des vents réglés, faite par M. Halley.
  2. Journal des Savans, 1678, pag. 30, édition de Hollande.
  3. Là même, pag. 37.
  4. Halley, ubi suprâ, cit. (rr).
  5. Il fallait dire Milichius. C’est un professeur en mathématique, à Wittemberg, qui publia un Commentaire sur le IIe. livre de Pline, l’an 1534. Voyez ci-dessus la remarque (E) de l’article Ziegler, pag. 83.
  6. Salm. Exercit. Plin., pag. 45, où il évalue les 1200 stades de Pline à 160 milles : il n’y en a que 150.
  7. In libro de Mensurâ Temporum, pag. 14.
  8. Quem locum per Massonium suppletum, hactenùs tamen non intellectum in Theoresibus nostris explicamus. Putean., Vindic. Circuli Urban. Notez que Michalor lui soutient que le Mazzoni, auteur d’une docte Apologie du Dante, n’a fait que citer cet endroit de Pline, sans rien ajouter à la leçon commune.