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ZANCHIUS.

carus. Ce qui suit dans la lettre de Manuce a été rapporté ci-dessus [1] ; recourez-y afin de voir les éloges qu’il donnait aux vers de notre Basile.

  1. Dans la rem. (B) de l’article Gambara, tom. VII, pag. 14.

ZANCHIUS (Jérôme), l’un des plus célèbres théologiens du parti des protestans, naquit à Alzano dans l’Italie (A), le 2 de février 1516. Il entra dans la congrégation des chanoines réguliers de Latran à l’âge de quinze ans, et y demeura dix-neuf années à peu près. Il s’y appliqua d’abord à l’étude de la philosophie et de la théologie scolastique ; mais après avoir ouï les leçons que Pierre Martyr faisait dans Lucques, sur l’épître de saint Paul aux Romains, et sur les Psaumes, il s’attacha à une étude plus profitable ; ce fut à celle de l’Écriture et des pères. Chacun sait que Pierre Martyr, qui était chanoine de la même congrégation, communiqua les sentimens des protestans à plusieurs de ses confrères avant qu’il jetât le froc. Les impressions qu’il leur donna furent si fortes, que dans l’espace d’un an dix-huit d’entre eux imitèrent son abjuration du papisme. Notre Zanchius fut un de ceux-là. Il sortit d’Italie l’an 1550, et s’arrêta quelque temps chez les Grisons, et puis à Genève, d’où il eut dessein d’aller à Londres, attiré par Pierre Martyr qui lui destinait en ce pays-là une chaire de professeur en théologie. Mais se voyant prié, par les scolarques de Strasbourg, de remplir la place de feu Gaspar Hédion, professeur aux saintes lettres, il accepta cet emploi l’an 1553, et l’exerça près d’onze années, faisant d’ailleurs quelquefois des leçons sur Aristote. On exigea de lui la signature de la Confession d’Augsbourg, et on ne l’obtint qu’au moyen de quelques limitations qu’il se réserva, et que les scolarques lui accordèrent. Il fut agrégé au chapitre des chanoines de Saint-Thomas, l’an 1555. Il aimait la paix (B), et il haïssait les guerres civiles théologiques : néanmoins il ne put les éviter. On l’accusa d’erreur, il se défendit : et cette affaire fut poussée si chaudement, qu’on la réduisit aux termes, ou qu’il se retirât de bon gré, ou que les scolarques le congédiassent. Il ne trouvait point son compte dans cette alternative, c’est pourquoi il se remua beaucoup afin de se maintenir. On chercha mille expédiens, et l’on prit enfin celui de faire signer un formulaire. Il le signa avec quelques restrictions (C), mais qui n’empêchèrent pas que ses adversaires ne triomphassent, et ne répandissent partout les nouvelles de leur victoire. Il voulut se relever, et l’on commençait à faire d’autres propositions d’accommodement lorsqu’une occasion favorable lui vint fournir un prétexte honnête de se tirer de ce labyrinthe. L’église de Chiavenne dans le pays des Grisons le demanda pour son ministre ; et il accepta cette vocation. Il rendit son canonicat, il demanda son congé, et se retira de Strasbourg au mois de novembre 1563. Il servit utilement l’église de Chiavenne depuis ce temps-là jusques en l’année 1568, et y trouva aussi la