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SUR LES PYRRHONIENS.

dans le Seigneur [1]. Pour moi, mes frères, lorsque je suis venu vers vous pour vous annoncer l’Évangile [* 1] de Jésus-Christ, je n’y suis point venu avec les discours élevés d’une éloquence et d’une sagesse humaine. Car je n’ai point fait profession de savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. Et tant que j’ai été [* 2] parmi vous, j’y ai toujours été dans un état de faiblesse, de crainte, et de tremblement. Je n’ai point employé, en vous parlant et en vous prêchant, des discours persuasifs de la sagesse humaine ; mais les effets sensibles de [* 3] l’esprit et de la vertu de Dieu ; afin que votre foi ne soit pas établie sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. Nous prêchons néanmoins la sagesse aux parfaits ; non la sagesse de ce monde, ni des princes de ce monde, qui se détruisent ; mais nous prêchons la sagesse de Dieu renfermée dans son mystère, cette sagesse cachée, qu’il avait prédestinée et préparée avant tous les siècles pour notre gloire ; que nul des princes de ce monde n’a connue, puisque, s’ils l’eussent connue, ils n’eussent jamais crucifié le Seigneur et le roi de gloire ; et de laquelle il est écrit [* 4] : Que l’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, et le cœur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Mais pour nous, Dieu nous l’a révélé par son esprit ; parce que l’esprit pénètre tout, et même ce qu’il y a en Dieu de plus profond et de plus caché. Car qui des hommes connaît ce qui est en l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu, que l’esprit de Dieu. Or nous n’avons point reçu l’esprit du monde, mais l’esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits : et nous les annonçons, non avec les discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne [* 5] le Saint Esprit, traitant spirituellement les choses spirituelles. Or l’homme animal et charnel n’est point capable des choses qu’enseigne l’esprit de Dieu : elles lui paraissent une folie, et il ne les peut comprendre ; parce que c’est par une lumière spirituelle qu’on en doit juger [2]. »

III. Croyez-vous que si l’on eût dit aux apôtres que leur doctrine exposait les philosophes dogmatiques à de nouvelles attaques de la part des pyrrhoniens, ils s’en fussent souciés ? Ne nous mettons point en peine des disputes de ces gens-là, eussent-ils dit, laissons les morts ensevelir les morts ; plus ils se battront et s’accableront les uns les autres, mieux pourra-t-on reconnaître la vanité de leur

  1. (*) Sup. 1, 17.
  2. (*) Act. 18, 1.
  3. (*) 2 Petr. 1, 16.
  4. (*) Is. 64, 4.
  5. (*) Sap. 1, 17, 2, 1, 4, 2. Pier. 1, 16.
  1. Ire. épître aux Corinthiens, chap. I, vers. 17 et suiv. Je me sers de la traduction de Mons.
  2. Ire. épître aux Corinthiens, chap. II, vers. 1 et suiv.