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ZÉNOBIE.

continebat se, si prægnans esset ; sin minùs, iterùm potestatem quærendis liberis dabat[1]. Voilà ce que certains casuistes rigides voudraient imposer à tous les gens mariés. Ceux qui écrivent pour la polygamie font servir cette morale à leur pernicieux dessein ; car ils prétendent qu’un homme se doit abstenir de sa femme dès qu’elle est grosse, et que s’il ne peut se contenir, il en doit avoir une autre qui ne le soit pas. Un docte commentateur des Offices de Cicéron observe que si son siècle portait des femmes qui ressemblassent à Zénobie, il y aurait moins de péril dans le mariage pour les personnes d’étude et d’un tempérament faible ; gens, ajoute-t-il, qui ont à craindre ou le déshonneur, ou des querelles continuelles, ou une mort avancée, avec la dissipation de leurs biens. Ses maximes sont un peu dures : lisez ce qui suit. Cùm...... sacræ litteræ omnes vagas libidines detestentur : in ipso etiam matrimonio hic finis ab ipsâ naturâ destinatus, diligenter consideretur, et (quantùm vel naturæ imbecillitas, vel conjugii servitus sinit) servetur ne homo infra bestias sese abjiciat : quarum pleræque non nisi certo anni tempore ad procreationem incitantur : et femellæ pleræque, concepto fœtu, marem non admittunt. Eadem etiam Zenobiæ Palmyrenorum reginæ continentia celebratur, quæ cùm se gravidam sensisset, Odenatum maritum in thalamum suum non admisit. Digna (ut quidam exclamat) quæ sine omni dodore pareret : cùm in matrimonio non voluptatem, sed procreationem sobolis spectaret. Cujusmodi matronas si nostra ætas ferret, etiam studiosi homines, et non firmissimâ præditi valetudine, minore periculo uxores ducerent : quibus nunc aut infamia, aut rixæ perpetuæ, aut immaturus obitus cum detrimentis rei familiaris sunt metuenda. Ridentur hæc scilicet à lascivis hominibus, et in lustris ac ganeis magis versatis, quàm in theologiâ et philosophiâ : quibus nos hæc non præscribimus. Indulgeant illi genio : sed probus adolescens hominem se esse, non pecudem meminerit. Quòd si verum est, quod ἀνώνυμος Ptolemæi scribit interpretes, Ægyptios singulis mensibus semel tantùm consuetudine uxorum usos, quò infantis concepti momentum deprehenderent : quid christianis facere par est propter Deus, summam et continentiam et abstinentiam flagitantem [2] ? Il ne servirait de rien d’alléguer contre Zénobie qu’elle n’avait que très-peu de filles à son service [3] ; car d’ailleurs son domestique était composé d’eunuques avancés en âge : cela convenait beaucoup mieux à une reine guerrière que plusieurs femmes de chambre. Quant à son savoir, il suffit de dire que Longin l’avait instruite, qu’elle parlait égyptien en perfection, et qu’elle entendait si bien l’histoire d’Egypte et l’histoire orientale, qu’elle en fit un abrégé. Elle avait lu en grec l’histoire romaine ; elle entendait le latin, mais elle n’osait le parler. Ipsa latini sermonis non usque quaque ignara, sed ut loquerteur pudore cohibita : loquebatur et ægyptiacè ad perfectum modum. Historiæ Alexandrinæ atque Orientalis ita perita ut eam epitomâsse dicatur : latinam autem græcè legerat[4]. J’ai tâché de l’excuser à l’égard du vin, comme si elle n’avait tenu tête le verre à la main à ses généraux et aux étrangers que pour les attacher ou les attirer à son parti ; mais j’avoue que cette supposition est bien arbitraire, et que les termes de l’historien[5] signifient qu’elle terrassait à boire les Perses et les Arméniens. Il est pourtant vrai qu’il dit que d’ailleurs elle était sobre.

(E) On la soupçonna d’avoir consenti qu’on assassinât son époux, indignée de la tendresse qu’il témoignait à son fils Hérode. ] L’historien ayant exposé la complaisance excessive d’Odénat envers Hérode, fils d’un autre lit, ajoute que Zénobie, animée de tout l’esprit de marâtre contre cet Hérode, avait augmenté

  1. Treb. Pollio, in triginta Tyrannis, p. 330.
  2. Hieron. Wolfius, Commentar. in Ciceron., de Offic., lib. I, pag. m. 72, 73.
  3. In ministerio eunuchos gravioris ætatis habuit, puellas nimis raras. Trebell. Pollio, in triginta Tyrannis, pag. 335.
  4. Idem, ibid.
  5. Bibit sæpè cum ducibus, quum esset aliàs sobria. Bibit etiam cum Persis atque Armeniis ut eos vinceret. Idem, ibid.