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ZOROASTRE.

tes bigarrés[* 1]. On rapporte[a] que Zoroastre se mit à rire le même jour qu’il naquit, et qu’il est le seul de tous les hommes à qui cela soit arrivé, et que la palpitation de son cerveau était si forte, qu’elle repoussait la main que l’on mettait sur sa tête, ce qui fut un pronostic de sa science. On ajoute[b] qu’il passa vingt ans dans les déserts, et qu’il n’y mangea que d’un fromage qui ne vieillissait jamais[c] ; que l’amour de la sagesse et de la justice l’obligea à se retirer sur une montagne pour y vivre dans la solitude ; que lorsqu’il descendit de cette montagne il y tomba un feu céleste qui brûlait toujours ; que le roi de Perse s’en approcha accompagné des plus grands seigneurs de sa cour, afin de faire des prières à Dieu ; que Zoroastre sortit de ces flammes sans en être endommagé ; qu’il consola et encouragea les Perses, et qu’il offrit quelques sacrifices, comme si Dieu l’avait accompagné jusqu’à ce lieu-là, qu’ensuite il ne vécut point indifféremment avec toutes sortes d’hommes, mais seulement avec ceux qui étaient nés pour la vérité, et qui étaient capables de connaître Dieu, gens que les Perses nommaient mages[d] ; qu’il souhaita d’être frappé de la foudre, et d’être consumé du feu du ciel, et qu’il ordonna aux Perses de recueillir ses os après qu’il aurait été brûlé de cette façon, et de les garder et vénérer comme un gage de la conservation de leur monarchie ; qu’ils eurent en effet pour ses reliques une grande vénération, mais qu’enfin étant tombés dans la négligence à cet égard-là, ils déchurent aussi de la royauté. La Chronique d’Alexandrie ajoute qu’après leur avoir tenu ce discours, il invoqua Orion, et fut consumé d’un feu céleste. Quelques-uns disent[e] que Mesraïm, fils de Cham, fut instruit dans la magie par son père, et[f] qu’il fut brûlé tout vif par le démon qu’il importunait trop souvent[g] ; que les Perses l’adorèrent comme un ami de Dieu, et comme un saint à qui la foudre avait servi de véhicule pour monter au ciel, et comme un astre vivant, d’où vint aussi qu’il fut nommé Zoroastre après sa mort. Grégoire de Tours assure à peu près la même chose touchant Chus, fils de Cham (C). D’autres disent que Cham même est le Zoroastre des Orientaux, inventeur de la magie[h]. M. Bochart réfute très-bien cette fausseté[i]. Cédrénus observe que Zoroastre, qui devint un si fameux astrono-

  1. * Chaufepié, qui prétend que Bayle a bien qualifié son article par ces derniers mots, n’a pas manqué de vouloir en faire un sur le même personnage. Il avoue toutefois qu’il rapporte ce qu’on pense de plus vraisemblable sur le sujet de cet homme célèbre.
  1. Risisse codem die, quo genitus esset, unum hominum accepimus Zoroastrem. Eidem cerebrum ita palpitâsse, ut impositam rapelleret manum, futuræ præsagio scientiæ. Plinius, lib. VII, cap. XVI. pag. 592.
  2. Idem, lib. XI, cap. XLII, pag 592.
  3. Dio. Chrysost., Orat. Borysthenicâ.
  4. Cédrenus et Suidas.
  5. Clemen, Recognitionum lib. IV, apud Bochart. Geogr. sacræ, lib. IV, cap. I, pag. m. 231.
  6. Idem, ibid., apud, Huetium, Demonstr. evang., propos. IV, cap. V, pag. m. 156.
  7. Idem, ibidem, apud eund, ibid., pag. 152.
  8. Voyez ci-dessus remarque (B) de l’article Cham, tom. V, pag. 54.
  9. Bochart. Geogr. sacræ, lib. IV, cap. I, pag. m. 231 et seq.