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ZOROASTRE.

l’introducteur d’une nouvelle religion dans la Perse, et qu’il a fait cela environ le régné de cas Darius, qui fut le successeur Cambyses[* 1]. Il est encore dans une grande vénération parmi les Perses qui ne suivent pas la religion mahométane, mais l’ancienne religion du pays. Ils le nomment Zardhust, et plusieurs croient qu’il était venu de la Chine, et ils en content une infinité de choses miraculeuses. Vous en pourrez voir un échantillon dans la bibliothéque orientale de M. d’Herbelot[a], et dans l’Histoire de la Religion des Benjans, traduite de l’anglais de M. Lord, par M. Briot[b]. Consultez aussi la Démonstration évangélique de M. Huet[c], et l’ouvrage de M. Hyde. Bien des gens croient que tous les ouvrages qui ont couru sous le nom de Zoroastre, et dont quelques-uns subsistent encore, sont supposés. M. Hyde n’est pas de ce sentiment (H).

  1. * Joly s’étonne que Bayle n’ait pas, dans cet article, cité l’Apologie de Naudé pour les grands hommes accusés de Magie, chap. VIII, où l’auteur justifie Zoroastre : il dit qu’on peut consulter l’Incrédulité savante et la Crédulité ignorante, Lyon, 1671, in-4o., ouvrage du père Jacques d’Autun, capucin, qui est une réponse à l’Apologie. Joly termine son article par l’extrait d’un manuscrit de la Bibliothéque du roi, intitulé : Recueil quelques Astrologues et Hommes doctes, fait par Simon de Phares, dédié au roi Charles VIII.
  1. Sous le mot Zerdascht.
  2. Cette traduction fut imprimée à Paris l’an 1666, in-12.
  3. Pag. 152 et seq., et pag. 458, 459.

(A) Il fut vaincu par Ninus, et a passé pour l’inventeur de la magie. ] Justin va nous dire que ce fut la dernière des victoires de ce conquérant, et que Zoroastre philosopha avec beaucoup d’exactitude sur les principes de l’univers et sur les mouvemens des étoiles. Postremum illi (Nino) bellum cum Zoroastre rege Bactrianorum fuit, qui primus dicitur artes magicas invenisse, et mundi principia, siderumque motus diligentissimè spectâsse. Hoc occiso, et ipse decessit[1]. Quelques-uns[2] attribuent à Sémiramis la gloire d’avoir vaincu Zoroastre. Ils entendent sans doute quelque chose de plus fort que ce qu’on lit dans Diodore de Sicile[3], qu’ayant été trouver son mari au siége de Bactra, elle conseilla et fit une attaque qui fut suivie de la réduction de la ville. Ninus l’épousa depuis. Je crois qu’ils veulent dire, que l’une des guerres qu’elle termina glorieusement après la mort de ce grand monarque fut celle où Zoroastre perdit ses états. Un historien[4], cité par Syncellus, traite de la naissance de Sémiramis et de celle de ce magicien, après avoir raconté les actions de Ninus[5]. Ce serait donc à Sémiramis plutôt qu’à Ninus qu’il aurait attribué la victoire dont nous parlons : et je ne sais si, pour confirmer la chose, on ne voudrait point se prévaloir de ces vers latins,

Persarum statuis Babylona Semiramis urbem,
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Jussit et imperio surgere Bactra caput[6].


M. Stanlei[7] dit que Zoroastre, selon Eusèbe, a été contemporain de Sémiramis ; mais il est sûr qu’au rapport d’Eusèbe il fut vaincu par le roi Ninus. S’il était vrai, comme Arnobe le raconte, que de part et d’autre l’on se servit des secrets de la magie dans cette guerre des Assyriens et des Bactriens, il serait malaisé de croire que Zoroastre eût inventé cet art-là ; car il faudrait supposer que ses secrets passèrent bientôt en Chaldée, et qu’on les y perfectionna si promptement, que les magiciens de Ninus furent capables de disputer

  1. Justin., lib. I, cap. I.
  2. Theo, in Progym. cap. IX, pag. m. 112.
  3. Diodor. Sicul., lib. II, cap. VI.
  4. Nommé Céphalion ; il vivait sous Hadrien. Voyez Marsham, ubi infrà.
  5. Syncellus, page 167, apud Marsham, Chron. Can., ad sæcul. IX, Pag. m. 144.
  6. Propert., eleg. X, lib. III.
  7. Thomas Stanleius, Hist. Philos, oriental., lib. I. cap. III, page 10, ex versione Jo. Clerici.