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ALCIAT.

son, il se plaind des princes et seigneurs, qui couchent en si petit estat les doctes et sçavans hommes, au lieu qu’au tems passé, même du tems de Vespasian (au rapport de Tranquille), cet empereur faisoit délivrer de ses deniers publics quinze cens escus aux orateurs et rhétoriciens grecs et latins ; mesmes adjouste-il l’authorité du rhétoricien Euménius, qui exerçoit sa vocation à Authun, auquel, par l’ordonnance des empereurs Diocletian et Maximian, on donnoit d’estat quinze mil escus par an. » Ces paroles sont de Thevet, à la page 279 du VIIe. tome de l’Histoire des Hommes illustres.

(K) Ceux qui disent qu’il passa toute sa vie dans le célibat se trompent. ] Voici comme il parle dans une lettre qu’il écrivit à son ami François Calvus, après s’être retire de Milan à Avignon : Vice versâ, et ego te rerum mearum admoneo ; multis affectum me ærumnis patriâ excessisse, uxorem vivam et sospitem ibi reliquisse ; cæteros fato functos[1], fortunis plerisque amissis, virtuti soli innixum non omninò concidisse. Libros et Bibliothecam onmnem conservâsse. In præsentiâ Jus Civile Avenione profiteor[2]. Corrigeons donc ces paroles de M. Teissier, il passa sa vie dans le célibat[3].

(L) La latinité de Tacite lui paraissait d’une extrême dureté. ] C’est en écrivant à Paul Jove que cette plainte lui échappa : Alciatus non dubitat affirmare dictionem ejus præ illâ Pauli Jovii esse senticeta[4]. Dans une autre rencontre il avait parlé bien autrement : Certat in Tacito sermonis gravitas cum elegantiâ[5]. Je renvoie la discussion de ceci à l’article de Tacite.

(M) Ses Emblèmes ont été fort estimés..... et ornés de divers commentaires. ] Scaliger le père, qui n’était point prodigue de louanges, comme chacun sait, parle ainsi de cet ouvrage : Alciati præter Emblemata nihil mihi videre contigit. Ea verò talia sunt, ut cum quovis ingenio certare possint. Dulcia sunt, pura sunt, elegantia sunt ; sed non sine nervis : sententiæ verò tales, ut etiam ad usus civilis vitæ conferant[6]. Ces Emblèmes ont été traduits en français, en italien et en espagnol[7]. Les versions françaises sont trois pour le moins ; celle de Barthélemi Aneau[* 1], celle de Jean le Fèvre, et celle de Claude Minos [8]. Ce dernier ne se contenta pas de les traduire, il les commenta aussi. Un des plus savans humanistes d’Espagne [9] les a crus dignes d’un commentaire de sa façon. Pignorius, savant Italien, en a fait le même jugement, et, après eux tous, un professeur de Fribourg[10] les a publiés avec leurs notes et avec les siennes, et y a joint à la fin celles de Frédéric Morel. Cette édition est fort bonne, c’est dommage qu’on n’y puisse pas distinguer ce qui appartient à chaque commentateur : elle est de Padoue, en 1661, in-4o. Je ne parle point de Sébastien Stockhamerus, dont le travail n’a pas été fort estimé : Sebastianum Stockhamerum vix Commentatoris nomine dignor, quia in solâ Epigrammatis resolutione occupatur, paucissimis, iisque satis vulgatis sententiis et fabulis additis ; ad hæc vix mediam Emblematum partem hoc suo more explicat[11]. Je ne parle point non plus de ce jésuite qui expliqua publiquement à Paris ces mêmes Emblèmes [12] ; mais je pense qu’on ne sera pas fâché de voir le titre dont Barthélemi Aneau (Bartholomæus Anulus) se servit. Le voici : Les Emblesmes d’André Alciat, traduits vers pour vers jouxte la diction latine, et ordonnez en lieux communs, avec sommaires, inscriptions, schemes, et briefves expositions epimythiques, selon l’allégorie naturelle, morale, ou

  1. * La version de le Fèvre est de 1536 ; celle d’Aneau de 1558 ; celle de Mignault, de 1584. C’était dans cet ordre, qu’au jugement de Leclerc il fallait les citer.
  1. Il dit néanmoins, dans une lettre écrite l’an 1522, que sa mère et son oncle paternel étaient en vie. Epistola Gudii, etc., pag. 96.
  2. Ibidem, pag. 75.
  3. Teissier, Addit. aux Élog., tom. I, p. 34.
  4. Vossius, de Hist. Lat., lib. I, p. 160.
  5. Vide Canonherii Disc. Politic. in Tacit., pag. 3.
  6. Jul. Cæsar. Scalig. de Poëtic, lib. VI.
  7. Joh. Matthæus Toscan. in Peplo Ital., lib. III.
  8. Voyez la Bibliothéq. de la Croix du Maine.
  9. Sanctius, Brocens.
  10. Joannes Thuilius, Mariæmontanus, Tirol. Phil. et Med. D. atque olim in Archid. Friburg Brisgoiæ Universitate Human. Litter. Professor ordinarius.
  11. Thuilius in Præf. Claude Minos en juge à peu près de même dans sa préface.
  12. Minos, là même.