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ABELLY.

Il serait inutile de prouver, que non-seulement dans le langage ordinaire, on ne se sert point de la distinction de vieille et de nouvelle Aberdon ; mais aussi qu’on s’en sert très-peu dans les livres. Car où sont les auteurs qui ont dit l’évêché de la vieille Aberdon, l’académie de la vieille Aberdon ? Où sont les historiens qui ne se contentent pas de dire Aberdon tout court, quand ils veulent désigner cette ville épiscopale ? M. Moréri ne se souvenait pas apparemment de sa critique lorsque, dans l’article d’Écosse il disait, Saint-André a une université, et Aberdonne l’autre ; car, autrement, il aurait dû dire Old-Aberdon.

ABGILLUS (Jean), fils d’un roi des Frisons, mena une vie si exemplaire, qu’on le surnomma le Prêtre. Il accompagna Charlemagne à l’expédition de la Palestine, et, au lieu de s’en retourner en Europe, comme fit Charlemagne après la prise de Jérusalem, il poussa jusqu’aux Indes, y fit de vastes conquêtes, et y fonda l’empire des Abyssins, qui, de son nom, fut nommé l’empire du Prêtre Jean. Il a composé deux histoires, dont l’une comprend le voyage de Charlemagne à la Terre-Sainte, et expédition qu’il fit lui-même aux Indes. Ce dernier ouvrage contient la description du pays et celle des différens peuples qui l’habitent. Si Suffridus Pétri[a] a éte capable de s’imaginer que ces histoires soient autre chose qu’un de ces méchans romans qu’on faisait dans les siècles d’ignorance, et où l’on faisait entrer Charlemagne avec autant de hardiesse que si c’eût été un héros imaginaire, un Palmerin d’Olive, un Huon de Bourdeaux, un Geoffroi à la Grand’Dent ; si, dis-je, Suffridus Pétri a été capable de s’imaginer cela, il est digne de toutes les duretés que Vossius lui a dites[b] ; car que peut-on débiter de plus fabuleux que la conquête de Jérusalem par Charlemagne ?

  1. Il parle de cet auteur et de ses deux livres dans son traité de Scriptor. Frisiæ.
  2. O hominem valdè simplicem, ac propè dixerun insipientem, qui sanis adeò ac stultis commentis habuerit fidem ! Vossius, de Histor. lat. pag. 300.

ABYDE, ville d’Égypte. Étienne de Byzance veut qu’elle ait été une colonie de Milésiens (A), à laquelle un homme nommé Abyde ait donné son nom. Strabon en parle comme d’une ville fort délabrée ; mais il dit qu’il paraissait qu’elle avait été autrefois fort grande et la première du pays après Thèbes[a]. Le fameux roi Memnon y demeura et y fit bâtir un magnifique palais[b]. Le temple et le sépulcre d’Osiris servaient d’un grand ornement à cette ville, et la rendaient extrêmement recommandable. Les plus grands seigneurs d’Égypte affectaient d’y être enterrés, afin d’avoir leur tombeau au même lieu qu’Osiris avait le sien[c]. L’oracle du dieu Bésa n’était pas un ornement médiocre à ce lieu-là. Tous les peuples du voisinage avaient beaucoup de dévotion pour cette divinité, qui répondait par écrit quand on n’avait pas la commodité de la consulter en personne. Il suffisait alors de lui écrire ce que l’on avait à demander [d]. Cet oracle subsistait encore sous l’empire de Constan-

  1. Strabo, lib. XVII, pag. 559, édit. de 1587.
  2. Memnonis regiâ et Osiris templo inclytum. Plin., lib. V, cap. IX ; Strabo, lib. XVII, pag. 559.
  3. Plutarch. de Iside et Osir., pag. 359.
  4. Ammiam Marcel., lib. XIX, cap. XII, pag. 227, 228.