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ABUDHAHER.

Theodorum Anastasio Sinaïtæ ob argumenti similitudinem conjunxit Jacobus Gretserus, deditque ex duobus codicibus MSS. ducis Bavariæ Maximiliani [1]. On voit trois choses dans ce latin : 1°. que Gretser publia les œuvres d’Abucaras après que Génébrard en eut publié une quinzaine de pièces : 2°. que Gretser les publia sur deux manuscrits du duc de Bavière : 3°. qu’il les joignit avec Anastase Sinaïte. Il ne paraît presque rien de tout cela dans le Journal des Savans. On n’y voit pas que Gretser ait publié plus de pièces que Génébrard, ni que les manuscrits de Bavière aient servi à l’édition d’Abucaras : et on y voit qu’ils ne servirent qu’à l’édition d’Anastase, de quoi M. Arnoldus n’avait dit mot. Au reste, il ne faut pas croire que toutes les œuvres d’Anastase Sinaïte aient été publiées avec Théodore Abucaras : il n’y a que le Traité intitulé Ὁδηγὸς, i. e. Dux viæ adversùs acephalos, que l’on ait joint aux œuvres d’Abucaras dans l’édition du père Gretser.

(C) Gretser le fait un peu plus jeune. ] En lisant la préface de M. Arnoldus, on est presque convaincu que ce Jésuite n’a osé rien avancer touchant l’âge d’Abucaras. Gretserus verò quis fuerit Abucaras, quo seculo floruerit, ab Antonio Velsero SS. Theol. D. Ecclesiæ Frisengensis canonico, præposito Spaltensi, cujus honori librum suum dedicavit, discere volebat[2]. M. Arnoldus ne disant que cela de Gretser, insinue manifestement qu’il n’en faut pas chercher davantage dans la préface de ce jésuite. On y trouve néanmoins d’autres choses, savoir, que l’Abucaras dont il est parlé dans la vie de saint Ignace, patriarche de Constantinople, est le même que celui qui a composé les Dissertations.

  1. Arnoldi præfatio.
  2. Id. Ibid.

ABUDAHER. C’est le nom du chef des karmatiens (A), sous lequel ils profanèrent et désolèrent la Mecque, l’an 317 de l’hégire (B). Ils dépouillèrent les pèlerins, et en tuèrent 1700 dans l’enceinte même de la Caaba[a], pendant que ces pauvres superstitieux faisaient le tour de cet oratoire sacré selon la rubrique de leurs dévotions. Les karmatiens ne se contentèrent pas de ce carnage ; ils enlevèrent du temple la pierre noire qu’on y vénérait comme un présent descendu du ciel[b] ; ils abattirent la porte du temple, et remplirent de corps morts le puits Zamzam, l’une des plus saintes et des plus sacrées parties du lieu. Pour surcroît d’affliction, Abudhaher faisait mille railleries de la religion mahométane ; il amena son cheval à l’entrée de la Caaba, afin de lui faire faire ses ordures en cet endroit-là, et il disait aux mahométans qu’ils étaient bien fous de donner à cet édifice le nom de maison de Dieu ; car, ajoutait-il, si Dieu faisait cas de ce temple, il m’aurait déjà écrasé de sa foudre, moi qui ai profané d’une manière si outrée (C) cette maison. La dévotion des mahométans pour ce temple ne diminua point pour cela ; ils continuèrent à y aller tous les ans en pèlerinage. Lorsque les karmatiens l’eurent aperçu, ils se résolurent à leur renvoyer la pierre noire, après l’avoir gardée vingt-deux ans. Ils voulurent plaisanter quelque temps après, et se moquer de la sottise de ces dévotions. Voilà des gens, disaient-ils, qui croient avoir la pierre noire ; mais nous leur en avons envoyé une autre à la place de celle-là : l’objet donc de leur dévotion est un être faux et supposé. Ils songeaient par de tels dis-

  1. C’est ainsi qu’on nomme le partie du temple qui est destinée à l’adoration et à l’oraison.
  2. Voyez la remarque (K) de l’article Agar.