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des ACCORDS.

te, la seigneurie des Accords est un fief imaginaire qu’il ne fonda que sur la devise de ses aïeux (E). Remarquez que Guillaume Tabourot, son père, qui fut avocat au parlement de Dijon, conseiller du roi et maître extraordinaire de la chambre des comptes, est fort loué par Pierre de Saint-Julien dans le livre de l’Origine des Bourguignons[a]. Il mourut le 24 de juillet 1591[* 1], dans sa quarante-sixième année[b].

  1. * Son épitaphe dit en 1590, à 43 ans.
  1. Voyez la Croix du Maine, pag. 156
  2. Voyez son épitaphe dans les Bigarrures de son fils, pag. 325.

(A) L’ouvrage, qu’il intitula Bigarrures, dont la première édition est de Paris, en 1582] il marque cette année-là, dans l’avant-propos de la seconde édition ; et il doit être plus croyable que la Croix du Maine, et que du Verdier Vau-Privas, qui mettent la première édition des Bigarrures à l’an 1583. Le premier livre de ces Bigarrures est divisé en vingt-deux chapitres, qui traitent, entre autres choses, des Rébus de Picardie, des Équivoques, des Anti-strophes, des Vers rétrogrades, des Allusions, des Acrostiches, de l’Écho, des Vers léonins, des autres sortes de Vers folastrement et ingénieusement practiques, des Épitaphes, etc. Tout cela est rempli de facéties et joyeusetez, comme l’assure la Croix du Maine[1]. L’imprimeur ne manqua pas d’exposer qu’il publiait cet ouvrage sans la permission de l’auteur, qui déclara tout ouvertement, dit-il[2], que l’âge, le temps et sa profession, lui avoient fait changer d’humeur, et la volonté, et qu’il lui seroit mal-séant d’advouer ce qu’il avoit fait en ses premiers ans et verdeur de folastre jeunesse, avant à grand’peine accomply dix_huit ans ; et qu’après qu’il avait donné preuve de sa suffisance en quelque brave et docte subject, il adviseroit de ne point estouffer ses petits enfans naturels et illégitimes, conceus hors mariage : car ainsi nommoit-il ses trois premiers livres. De sorte que j’ay conneu apertement que c’étoit une excuse recherchée, pour nous entretenir, qui m’a occasioné de mettre en lumière ce que j’en avois de copié. L’auteur, de son côté, ne manqua pas de prétendre cause d’ignorance. « Je fus fort estonné, déclara-t-il[3], quand je vy la première impression de ce livre, duquel je pensois que la mémoire fust esteinte. Mais, le relisant quasi comme chose nouvelle, que je n’avois veu y avoit quatorze ans, je conneu incontinent, et mon genie, et mon style du temps que je l’avois basti pour me chastouiller moy-mesme, afin de me faire rire le premier, et puis après les autres : tellement que je n’avois observé autre ordre, sinon d’entasser pesle-mesle les exemples, selon qu’ils me venoient en fantaisie. N’estant ce livre que pièces rapportées, sans aucune curiosité, et fait seulement par petits papiers, à diverses fois adjoustez, desquels je reconneu toutes fois qu’une grande partie avoit esté perdue. Tellement que, comme chascun est amateur de son ouvrage, je me délibéray lors d’envoyer le surplus des adjonctions qui estoient crues depuis ce temps-là, avec celles que l’on avoit omises. » Quoi qu’il en soit, il avoue et il adopte cette seconde édition. Occasion de quoy, continue-t-il[4], j’ay releu ce folastre livre, de bout à l’autre, ce que jamais auparavant je n’avois fait ; afin de le remettre en lumière, selon ma vraye conception. Et, pour ce que depuis ce temps-là quelques petites curiositez me sont venues en mémoire, et autres m’ont esté amiablement envoyées par un des plus doctes de nostre France, sur le mesme suject, je les ay adjoustees par forme d’adjonction l’auteur.

Pasquier ne trouva pas bon que Tabourot eût augmenté ses Bigarrures. C’était trop faire voir qu’on s’arrêtait trop long-temps à des endroits par où il ne fallait que passer. Il faut les considérer comme des hôtelleries de voya-

  1. La Croix du Maine, Bibl. française, p. 80.
  2. André Pasquet, avis du lecteur à la tête des Bigarrures.
  3. Avant-propos de l’auteur sur les éditions des Bigarrures. Il est daté de Verroney, le quinzième de septembre 1584.
  4. La même, folio A v.