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ADAM.

bouche d’Adam déjà enterré, et que de là sortit un arbre, dont la croix de Jésus-Christ fut faite ; et qu’il était juste que le même bois qui avait fait pécher Adam fût celui sur lequel Jésus-Christ expiât le péché d’Adam [1]. Ce jésuite nous renvoie à Pinédo qui a raconté au long cette fable. Mais que veut-il dire par les hébreux ? Il entend sans doute les juifs. Or les juifs conviennent-ils que Jésus-Christ ait expié le péché d’Adam par le supplice de la croix, auquel leur nation le condamna sous Ponce Pilate ? Quand un auteur est plein d’une chose, il s’imagine que les autres le sont aussi, et il ne s’aperçoit pas toujours de l’absurdité où il tombe en leur attribuant ses propres pensées. Cette fable, au reste, a été rapportée diversement ; car on trouve dans un rabbin qui a vécu long-temps avant Jésus-Christ, et dont l’ouvrage est intitulé Gale Rasejah[2], que les anges portèrent à Adam dans, le désert une branche de l’arbre de vie, que Seth la planta, et qu’elle devint un arbre dont Moïse se servit utilement : car, après en avoir tiré la verge qui lui servit à faire tant de prodiges, il en tira le bois qu’il jeta dans les eaux amères pour les adoucir, et celui où il attacha le serpent d’airain. Quelques-uns disent qu’Adam envoya Seth à la porte du jardin d’Eden, pour prier les anges qui en défendaient l’entrée, de lui accorder une branche de l’arbre de vie, ce qu’ils firent[3].

(N) Quand on forge de telles harangues. ] C’est au père Salian que j’en veux. Non content de la harangue, il a fait une longue épitaphe pour Adam, où il a désigné son nom par ces trois lettres J. S. P.[4]. Il a fait aussi des épitaphes pour Abel, pour Abraham, pour Sara, etc. En vérité, cela n’est guère pardonnable qu’à des auteurs frais émoulus d’une régence de rhétorique ; et je suis fort persuadé que les Sirmonds, les Pétaux, les Hardouins, et les autres grands auteurs de la Société des jésuites jugeraient de cela comme j’en juge.

  1. Cornel. à Lapide in Genesim, cap. II, v. 9, pag. 74.
  2. Voyez, touchant ce rabbin et son ouvrage, les Nouvelles de la République des Lettres, juillet 1686, art. III, pag. 770 et suiv., tiré de Mœbius, de æneo Servente.
  3. Voyez Saldeni Otia Theolog., pag. 608.
  4. Elles veulent dire, Jacobus Salianus posuit.

ADAM, archidiacre de la chambre patriarcale, et supérieur des religieux de la Chaldée, fut envoyé à Rome au commencement du XVIIe. siècle, par Élie, patriarche nestorien de Babylone. Ce patriarche, ayant fait examiner par ses évêques la profession de foi que le pape Paul V lui avait envoyée, chargea Adam de la présenter à ce pape, avec les changemens qu’ils y avaient faits ; mais il lui donna ordre en même temps d’y corriger ce que le pape y trouverait à redire. C’était une ambassade d’obédience que celle de notre Adam. Ce religieux, étant arrivé à Rome, s’acquitta de sa commission avec le plus de soin qu’il put. Il avait porté avec lui un écrit où il prétendait allier la foi des Orientaux avec celle de l’Église romaine, et faire voir que leurs différens n’étaient qu’une dispute de mots (A). Il avait d’abord montré cet écrit à son patriarche, et puis, par son ordre, à tous les évêques du parti ; et il avait été un an entier à aller de ville en ville pour le faire approuver à ces évêques. Pierre Strozza, secrétaire de Paul V, fut chargé de répondre à cet écrit. La réponse approcha plus de la dureté que de la condescendance : il n’expliqua rien favorablement, et il fallut que le légat du patriarche se soumît, non-seulement aux dogmes, mais aussi aux expressions de Rome. Il signa tout ce qui lui fut proposé de la part du pape ; et, ne se contentant pas d’abjurer toutes les erreurs de sa nation, il fit des li-