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ADAMITES.

ministres que les laïques, au même état que l’on est en sortant du ventre de la mère. On s’asseyait pêle-mêle sur des bancs qui étaient les uns au-dessus des autres, et l’on faisait ses dévotions ; après quoi l’on reprenait ses habits, et l’on retournait chez soi. Si quelqu’un faisait quelque faute, on ne le recevait plus dans l’assemblée (C) : on disait qu’ayant mangé, comme Adam, du fruit défendu, il devait être chassé comme lui du paradis ; c’est ainsi que ces gens-là nommaient leur église. Voilà ce que saint Épiphane en rapporte (D), non pas pour l’avoir lu dans quelques livres, ou pour l’avoir appris de quelqu’un d’entre eux ; mais sur ce qu’il en avait ouï dire à plusieurs autres personnes. Il ne sait point si de son temps cette secte était entièrement abolie, ou si elle subsistait encore. Évagrius fait mention de quelques moines de la Palestine qui, par un excès de dévotion, et pour bien mortifier leur corps, s’en allaient, tant hommes que femmes, dans des solitudes, tout nus, excepté les parties que la pudeur défend de nommer, et s’exposaient là d’une manière fort étrange (E) aux rigueurs au chaud et du froid[a]. Nous parlerons des adamites modernes sous le mot Picards. Je vois que les catholiques et les protestans se reprochent les uns aux autres (F) d’avoir de ces adamites dans leurs pays : peut-être n’ont-ils pas plus de raison les uns que les autres de se le reprocher. Si je n’avais pas d’autre caution que Lindanus[b], je ne croirais pas qu’en 1535 on vit des adamites à Amsterdam, riches et de fort bonne famille, courir tout nus, et qu’il y en eut d’assez fanatiques pour monter sur des arbres où ils attendirent vainement que le pain leur tombât du ciel, jusqu’à ce qu’ils tombèrent eux-mêmes à demi morts sur la terre. Je citerai ailleurs[c] un écrivain[d] qui atteste une partie de ces faits.

  1. Evagr. Hist. Ecel. lib. I, cap. XXI.
  2. Lindan. Dubitantii Dial. II, pag. 171.
  3. Dans la remarque (B) de l’article Picards.
  4. Lambertus Hortensius, in Hist. Tumult. Anabaptist.

(A) Théodoret lui donne un certain Prodicus pour fondateur[1]. ] Baronius le place sous l’année 120, et le fait antérieur à Valentin ; ce qui l’oblige de censurer en un autre endroit[2] ceux qui le mettent entre les disciples de Valentin. Selon cela, Lambert Daneau que j’ai cité ne serait pas digne de créance. Je parlerai à part de ce Prodicus.

(B) Ils ne l’observaient que lorsqu’ils étaient assemblés. Daneau s’est donc abusé lorsqu’il a mis au nombre de leurs erreurs, qu’il faut que les chrétiens de l’un et de l’autre sexe aillent nus par les rues. Oportere christianos homines versari in Publico, in cœtu Ecclesiæ, in precibus, nudos, sive mares sint, sive fæminæ[3].

(C) On ne le recevait plus dans l’assemblée. ] Saint Épiphane témoigne que ces gens-là professaient la continence et la vie monastique, et qu’ils condamnaient le mariage. Μονάζοντες τε καί έγκρατευόμενοι ὄντες καὶ γάμον μὴ δεχόμενοι [4]. Monachorum ac continentium instituta sectantur nuptiasque condemnant. Il ne faut donc point douter que leur discipline ne condamnât la fornication et l’adultère ; et qu’ainsi, ils n’excommuniassent et ne chassassent de leurs assemblées ceux qui commettaient cette faute. Et il est à

  1. Theodoret. Hæret. Fabul., lib. I.
  2. Baronius ad an. 175, num. 33.
  3. Danæus, in Augustin de Hæres., cap. XXXI, folio 83.
  4. Epiphan. in Synopsi, tom I, lib. II, pag. 397.