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ADRASTE.

ment à Adraste fils de sa fille. Voyez la remarque suivante. La citation d’Hysin est encore plus mauvaise ; car Hygin ne parle point là de notre Adraste, mais d’un autre qui fut père d’Hipponoüs, et qui se jeta dans le feu pour obéir à un ordre d’Apollon. Hipponoüs, par le même principe en fit tout autant. L’auteur de l’Index d’Hygin, dans l’édition d’Amsterdam en 1681, donne pour fils à Hercule cet Adraste et cet Hipponoüs ; et néanmoins il prétend que le même Adraste est le père d’Ægialée dont Hygin parle au chapitre LXXI, et qui est visiblement le beau-père de Polynice et le fils de Talaüs. C’est avoir malentendu ces paroles : Hercules Jovis filius ipse sese in ignem misit. Adrastus et Hipponoüs ejus filius, ipsi se in ignem jecerunt ex responso Apollinis[1].

(D) Qu’il fut en personne à la seconde expédition. ] Je puis joindre à Pausanias un second témoin, savoir Pindare qui dit positivement qu’Adraste, ayant recueilli les os de son fils, ramena heureusement l’armée à Argos[2]. Il ne le fait donc point mourir en chemin à Mégare comme fait Pausanias ; mais néanmoins, voilà deux autorités uniformes sur ce point-ci, qu’Adraste se trouva à la seconde guerre de Thèbes.

(E) En comparaison de ce que firent ceux de Sicyone. ] Le scoliaste de Pindare rapporte[3] que Dieutuchide soutient qu’on n’avait à Sicyone que le cénotaphe d’Adraste, et que son véritable tombeau était à Mégare[4].

(F) Se voyant contraint de sortir d’Argos. ] On a dit dans le Supplément de Moréri qu’Adraste fut chassé du royaume d’Argos par Amphiaraüs son beau-frère, et obligé de se retirer en la ville de Sicyone ; mais, par une négligence peu excusable on n’a cité personne qui ait dit cela : c’est donner bien du pays à courir à un lecteur qui veut avoir des garans. J’ai tant cherché qu’enfin j’ai trouvé une source dans Pindare, où j’ai vu qu’Adraste sortit d’Argos, et qu’il se retira à Sicyone à cause des attentats d’Amphiaraüs et à cause du renversement de la famille de Talaüs, laquelle n’avait plus la souveraine puissance[5]. Ce poëte ajoute qu’Adraste arrêta le cours de ce mal, et que le mariage d’Ériphyle avec Amphiaraüs fut le lien qui réunit les esprits par la pacification des troubles. Amphiaraüs n’était donc pas beau-frère d’Adraste quand ce dernier fut obligé de se retirer à Sicyone. Pindare ne dit point que ce prince fugitif ait épousé la fille du roi Polybe, ni que Talaüs ait été tué par Amphiaraüs ; mais l’un et l’autre de ces deux faits, dont le premier est si opposé à Hérodote, se trouvent dans le scoliaste de Pindare. Diodore de Sicile dit que le mariage d’Amphiaraüs avec Ériphyle sœur d’Adraste n’apaisa point les différens, puisqu’un peu avant la guerre de Thèbes ces deux beaux-frères disputaient encore à qui régnerait[6]. Ils furent divisés sur un autre point : Amphiaraüs ne voulait pas être de l’expédition, et Adraste souhaitait passionnément qu’il en fût. Ériphyle fut choisie l’arbitre de tous leurs démêlés, et donna gain de cause à son frère. Apollodore dit en partie la même chose quoique assez confusément[7]. Barthius a mal rapporté ce que dit Diodore de Sicile ; car il suppose qu’Ériphyle était fille d’Adraste[8]. La version latine de cet historien, imprimée à Bâle en 1548, dit faussement qu’Ériphyle adjugea la couronne à son mari.

(G) Ceux d’Argos le prièrent. ] Si M. Moréri avait su cela, il se serait bien gardé de dire qu’Adraste, après quatre ans de règne, quitta la ville de Sicyone sans qu’on en sache le sujet, et vint régner à Argos où il eut deux [9] filles, etc. Mais, quoi qu’il en soit, voici un morceau pour le Pyrrhonisme historique, les anciens appointés contraires sur les deux royaumes d’Adraste ; je veux dire sur l’ordre et le titre de la possession. Voyez l’article Talaüs.

(H) Et que de là vient qu’elle a eu le nom d’Adrastée. ] Le scoliaste de Pindare veut que ce nom ait été donné à la déesse Némésis à cause de la compensation dont j’ai parlé. Adraste

  1. Hygini Fabul., cap. CCXLII.
  2. Pindar. Pyth., Od. VIII.
  3. Schol. Pindari in Nem., Od. IX.
  4. Dieutuchides, Historiæ Megaricæ, lib. III.
  5. Pindar. Nem. Od. IX.
  6. Diod. Sicul., lib. V, cap. VI.
  7. Apollod., lib. III, pag. 187.
  8. Barth. in Stat., tom. II, pag. 870. Voyez aussi pag. 914.
  9. Il fallait dire, trois filles et deux fils.