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AGATHON.

Quandoquidem populus vult decipi, decipiatur. Ils y trouvent leur compte, et quant à l’autorité, et quant au profit : les plus désintéressés appréhendent, lorsque la maladie est invétérée, que le remède ne fût pire que le mal. Ceux-ci n’osent guérir la plaie : les autres ne la voudraient pas guérir. C’est ainsi que l’abus se perpétue : les malhonnêtes gens le protégent ; les honnêtes gens le tolèrent.

AGATHON, poëte tragique et poëte comique (A), disciple de Prodicus[a] ; et de Socrate[b], est fort célèbre par sa beauté dans les Dialogues de Platon[c], où d’ailleurs on lui attribue un bon naturel [d]. Il y a quelques auteurs qui rapportent qu’il était fort honnête homme, et que sa table était magnifique[e]. Ils se fondent peut-être sur les festins qu’il donna après que sa première tragédie eut remporté la victoire[f], et qu’il eut été couronné en présence de plus de trente mille hommes [g], l’an 4 de la 90e. olympiade [h]. Platon suppose que les discours qu’il raconte sur la nature de l’amour, dans l’un de ses livres[i], furent tenus le jour d’après ce couronnement, au second festin qu’Agathon donna. Les pièces de ce poëte étaient si remplies d’antithèses, qu’il dit un jour à un homme qui les en voulait ôter : Vous ne prenez pas garde que vous arrachez Agathon à Agathon[j]. Il fut le mignon de Pausanias le Céramien, et il le suivit à la cour d’Archelaüs, roi de Macédoine[k]. Il se brouillait souvent avec lui ; mais c’était afin de lui procurer par la réconciliation un plaisir plus vif. C’est ainsi qu’il s’en expliqua à ce prince, qui lui demandait la cause de leurs fréquentes querelles, comme nous l’apprenons d’Élien, au chapitre XXI du second livre de son Histoire diverse. J’ai dit ailleurs[l] ce que l’on conte de la passion d’Euripide pour Agathon. La réponse de celui-là est mal rapportée dans les dictionnaires historiques (B). Il semble que le scoliaste d’Aristophane nous apprenne qu’Agathon mourut à la cour d’Archelaüs (C) : et l’on pourrait conclure des paroles d’Aristophane qu’il ne vivait plus lorsque la comédie des Grenouilles fut jouée (D), c’est-à-dire, l’an 3 de la 93e. olympiade [m]. Il ne nous reste d’Agathon que ce qu’on en trouve dans Aristote, dans Athénée, etc..., qui l’avaient cité. Ce sont d’assez belles sentences, et qui confirment ce que l’on a dit de sa passion pour les antithèses (E). J’en rapporterai un exemple où l’on verra une maxime de très-bon sens sur la tromperie des apparences (F).

  1. Vide inter Platonis opera ejus Dialogum, cui titulus Protagoras, pag. 220.
  2. Scholiastes Aristophanis in Ranas, act. I, scen. II.
  3. Plato in Protagorâ, pag. 220, et in Convivio, pag. 1175.
  4. Plato in Protagorâ, pag. 220.
  5. Ἀγαθὸς τὸν τρόπον καὶ τὴν τρἀπεζαν λαμπρός. Moribus bonis, et mensâ lautus. Scholtiast. Aristoph. in Ranas, act. I, sc. II. Voyez aussi Suidas in Ἀγάθως.
  6. Plato in Convivio, init., pag. 1174.
  7. Id. ibid., pag. 1176.
  8. Voyez Athénée, liv. V, pag. 217 ; et Casaubon sur Athen., pag. 379.
  9. Dans son Convivium.
  10. Ælian Var. Histor., lib. XIV, cap. XIII. Voyez aussi Athénée, lib. V, p. 187.
  11. Plato in Protagorâ, pag. 220 ; Athen., lib. V, pag. 216 ; Maximus Tyrias, Sermon. X, pag. 106 ; Æliani Var. Hist. lib. II, cap. XXI.
  12. Dans la remarque (O) de l’article Euripide. Voyez aussi Scholiast. in Ranas Aristophanis, act. I, scen. II.
  13. Voyez Samuel. Petiti Miscell., lib. I, cap. XIV, pag. 50.