Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
277
AGREDA.

pale église[a]. Voilà des fruits du zèle aveugle (D).

  1. Id. ibid., pag. 77 et seq.

(A) Il composa plusieurs ouvrages sur la matière qui lui tenait le plus au cœur, et quelques autres sur divers sujets. ] Voici les titres de quelques-uns : De Ortu et Causis Subterraneorum. De naturâ eorum quæ effluunt ex Terrâ. De naturâ Fossilium. De medicatis Fontibus. De subterraneis Animantibus. De veteribus et novis Metallis. De re Metallicâ. Je compte pour un ouvrage de politique, sa Harangue de Bello Turcis inferendo[1] ; pour un ouvrage de controverse, son Traité de Traditionibus Apostolicis ; et pour un ouvrage de médecine, son Traité de Peste. Melchior Adam ignore si ces deux derniers ouvrages ont jamais été imprimés : je l’ignore aussi, quant au traité de controverse ; mais je sais que l’autre parut à Bâle, l’an 1554, et qu’il avait été depuis imprimé deux fois avant que Melchior Adam publiât son livre. Voyez Mercklin dans son Lindenius renovatus.

(B) Il n’avait point paru fort éloigné, au commencement, de la doctrine protestante. ] Il avait désapprouvé, non-seulement le trafic sordide des indulgences, mais aussi plusieurs autres choses. Voici quatre vers de sa façon, qu’on afficha en l’an 1519 dans les rues de Zwickaw[2] ; ils regardent les indulgences de Rome :

Si nos injecto salvabit cistula nummo,
Heu nimiùm infelix tu mihi pauper eris !
Si nos, Christe, tuâ servatos morte beasti,
Jam nihil infelix tu mihi pauper eris.


Melchior Adam a cru que quatre choses empêchèrent la conversion d’Agricola. 1o  Les écrits téméraires de quelques théologiens. 2o  La vie scandaleuse de quelques sectateurs de la réforme. 3o  Le brisement des images et la révolte des paysans. 4o . L’inclination naturelle qu’il avait pour la pompe des cérémonies[3]. De ces quatre choses, les trois premières dégoûtèrent entièrement Érasme du parti des protestans. Un grand nombre d’autres personnes qui avaient soupiré après la réformation de l’Église, s’achoppèrent au même piége qu’Érasme ; et de là vient que Théodore de Bèze rencontre tant de personnes dans son chemin, qui avaient d’abord goûté la bonne semence, et puis s’étaient replongées au bourbier[4]. Quand on parle de cela à des gens qui peuvent entendre raison, on les voit dire que dans l’état où étaient les choses, il n’y avait pas moyen de se soutenir ni de s’avancer avec un style débonnaire, et par la pure patience ; et qu’ainsi la Providence de Dieu, dont les voies sont toujours infiniment sages, laissa voir l’homme dans le grand ouvrage de la réformation, afin de parvenir plus naturellement à son but, qui était, comme l’expérience nous l’apprend, d’empêcher qu’aucune des deux religions n’achevât de ruiner l’autre. C’est bien dit. Il y a certains moyens qui, par cela même qu’ils sont fort propres à faire la moitié de l’œuvre, sont incapables de la faire toute,

(C) Il le laissèrent cinq jours sans sépulture. ] Scaliger a condamné avec raison cette conduite. Agricolam, dit-il[5], quo nihil doctius, Lutherani mortuum sepelire noluerunt, quia manserat Pontificius. Italus quidam scripsit et hortatus est, ut sepelirent hominem christianum ; barbaries magna. Je n’oserais soutenir qu’il est faux qu’un Italien ait exhorté par une lettre à cet office d’humanité ; mais je n’y vois aucune apparence : la mémoire de Scaliger ou celle de ses pensionnaires ont confondu apparemment les objets. Il y a une lettre de Matthiole, où il fait ses doléances de ce qu’un véritable vieillard tel que George Agricola n’avait pu trouver dans sa patrie autant de terre qu’il en fallait pour couvrir son corps. Id. Matthiolus ad Caspar. Nœviun Med. (lib. 2. Epist.) queritur, hunc præclarum probumque senem in patriâ tantum terræ non invenisse, quo suum operiretur cadaver.[6]. De cela on a pu forger qu’un Italien exhorta par une lettre ceux qui avaient le corps de ce savant homme à l’inhumer. Qu’on ne s’étonne point que je fasse peu de cas de ce que dit ici le grand Scaliger ; car quel fond pourrais-je faire sur lui concernant Agricola, puis-

  1. Imprimé à Bâle, l’an 1538.
  2. Il y enseignait le grec.
  3. Melch. Adam, Vit. Medicor., pag. 80.
  4. Voyez son Histoire des Églises.
  5. In Scaligeranis, pag. 5.
  6. Melch Adam. Vit. Medicor., pag. 82.