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AGRIPPA.

ce qu’ils n’entendaient pas ; comment auraient-ils souffert qu’Agrippa expliquât impunément le mystérieux ouvrage de Reuchlin de Verbo mirifico ? Ce fut la matière des leçons qu’il fit à Dôle, en l’année 1509, avec un fort grand éclat. Les conseillers même du parlement l’allaient entendre[a]. Pour mieux s’insinuer dans la faveur de Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas, il fit alors le Traité de l’Excellence des femmes[b] ; mais la persécution qu’il souffrit de la part des moines l’empêcha de le publier. Il leur quitta la partie et s’en alla en Angleterre[c], où il travailla sur les épîtres de saint Paul[d], quoiqu’il eût entre les mains une autre affaire fort secrète. Étant repassé à Cologne, il y fit des leçons publiques sur les questions de théologie qu’on nomme quodlibetales ; après quoi il alla joindre en Italie l’armée de l’empereur Maximilien, et y demeura jusqu’à ce que le cardinal de Sainte-Croix l’appelât à Pise. Agrippa y aurait fait paraître ses talens en qualité de théologien du concile, si cette assemblée avait duré. Ce n’eût pas été le moyen de plaire à la cour de Rome, ni de mériter la lettre obligeante qu’il reçut de Léon X (G), et d’où nous pouvons conclure qu’il changea de sentiment. Il enseigna depuis publiquement la théologie à Pavie et à Turin[e]. Il fit des leçons sur Mercure Trismegiste à Pavie, l’an 1515[f]. Sa sortie de cette ville, la même année ou l’année suivante, tint plus de la fuite que de la retraite. Cela paraît par sa lettre XLIX du premier livre comparée avec la LII. Il avait dès lors femme et enfans (H). Il paraît par le second livre de ses Lettres que ses amis travaillèrent en divers lieux à lui procurer quelque établissement honorable, ou à Grenoble ou à Genève, ou à Avignon, ou à Metz. Il préféra le parti qui lui fut offert dans ce dernier lieu, et je trouve que, dès l’an 1518[g], il y exerçait l’emploi de syndic, d’avocat et d’orateur de la ville[h]. Les persécutions que les moines lui suscitèrent, tant parce qu’il avait réfuté l’opinion commune touchant les trois maris de sainte Anne, que parce qu’il avait protégé une paysanne accusée de sorcellerie (I), lui firent abandonner la ville de Metz. Ce qui le poussa à écrire sur la monogamie de sainte Anne fut de voir que Jacques Faber d’Étaples, son ami, était mis en pièces par les prédicateurs de Metz, pour avoir soutenu ce sentiment[i]. Agrippa se retira en son pays de Cologne, l’an 1520, quittant volontiers une ville que ces inquisiteurs séditieux avaient rendue l’ennemie des belles-lettres et du véritable mérite[j]. C’est la des-

  1. Voyez son Expostulatio cum Joanne Catilineto, Fratrum Franciscanorum per Burgandiam Provinciali Ministro. Operum tomo II, pag. 508.
  2. Voyez l’Epître dédicatoire de ce Traité, datée d’Anvers au mois d’avril 1529.
  3. C’est de Londres que son Expostulatio est datée, en 1510.
  4. Agrippæ Defensio Proposit., pag. 596.
  5. Id. ibid., pag. 596.
  6. Agrippa. Operum tom. II, pag. 1073.
  7. Agrippa, Epist. XII, lib. II.
  8. Voyez sa IVe. Harangue, Operum tom. II, pag 1090.
  9. Epist. XXV, lib. II, pag. 743. Voyez aussi pag. 746.
  10. Epist. XXXII, lib. II, pag. 749.