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AILLI.

1509. Sa Vie du pape Célestin V fut imprimée à Paris, l’an 1539[1], et se trouve dans les Vies des Saints, compilées par Surius. Le titre de cet ouvrage fait quelque peine, parce qu’il donne à Pierre d’Ailli la qualité de confesseur de Charles V ; mais il vaut incomparablement mieux supposer qu’on a mis là Charles Ve., au lieu de Charles VIe., que de dire qu’il y a eu un autre Pierre d’Ailli. Possevin, qui a cru cela, s’est fort trompé. Je ne vois point de matière qui ait autant tenu au cœur à ce cardinal que l’astrologie ; car, outre qu’il présenta au concile de Constance un écrit sur la réformation du calendrier, il a composé les livres suivans : Tractatus de vero Cyclo lunari ; Vigintilogium de Concordantiâ astronomicæ veritatis cum theologiâ ; Tractatus de Concordiâ astronomicæ veritatis et narrationis historicæ [2] ; Tractatus elucidarius astronomicæ concordæ cum theologiâ et cum historicâ narratione ; Apologetica Defensio astronomicæ veritatis [3] ; Alia secunda apologetica Defensio ejusdem [4] ; Tractatus de Concordiâ discordantium Astronomorum.

Le sieur du Peyrat assure[5] que Bodin, en sa préface de la Demonomanie des Sorciers, fait mention d’un livre composé par le cardinal d’Ailly, où il a soustenu qu’il n’y a pas une seule démonstration nécessaire en Aristote, hormis celle par laquelle il a démonstré qu’il n’y avoit qu’un Dieu. Il y a là deux petites choses à reprendre ; car Bodin ne dit point, comme du Peyrat l’insinue, que Pierre d’Ailli ait fait un traité particulier sur cette matière ; et il dit que cet auteur a remarqué dans Aristote quelques autres démonstrations, quoiqu’en petit nombre[6].

(L) Quelques-uns n’ont jamais été imprimés. ] Ils sont dans la bibliothéque du collége de Navarre[7] : M. de Launoi en donne la liste. Il y en a qui contiennent la réponse à des questions bien curieuses, comme : Utrùm esse tria supposita unius naturæ sit perfectio : Utrùm libertas creaturæ rationalis ante et post lapsum intrinsecè sit æqualis : Utrùm creaturæ rationalis conscientia erronea ejus actum excusare possit ? Cette dernière question me fait souvenir de certains écrits qui ont paru en Hollande depuis quelque temps, sur les droits de la conscience erronée. On y a prouvé d’une manière si démonstrative, que toute action faite contre les lumières de la conscience est essentiellement mauvaise, et qu’il la faut éviter nécessairement et indispensablement, que ceux qui ont voulu combattre cette doctrine se sont précipités dans ce sentiment affreux, qu’il ne faut pas toujours agir selon les lumières de sa conscience ; d’où il s’ensuit, qu’on fait quelquefois une bonne action en agissant contre les lumières de sa conscience : monstre de doctrine, qui renverse toute la morale, et en comparaison duquel le probabilisme le plus outré est un sentiment innocent. Ce qu’il y a de rare en cela, c’est que ce sont des fanatiques qui se sont jetés dans ce précipice, eux, qui ont plus d’intérêt que personne à travailler pour les droits de la conscience.

(M) De rimailler en langue vulgaire. ] Je cite en marge mon garant, qui assure que Pierre d’Ailli a escrit plusieurs vers françois, en rithme usitée de son temps, lesquels ont esté mis en vers latins par Nicolas de Clemangis. J’en ai vu, dit-il[8], quelques-uns imprimez il y a plus de cent ans. Il ajoute que le même auteur a escrit en françois un livre intitulé, les sept Degrez de l’Eschelle de Pénitence, figurez et exposez sur les sept psalmes pénitentiels, imprimé à Paris. Je crains que la Croix du Maine ne nous trompe quant à ce dernier ouvrage ; car M. de Launoi marque positivement qu’Antoine Bélard fit une version française du Traité latin de Pierre d’Ailli sur les sept Psaumes Pénitentiels, et que Denys de Harsi

  1. Tout ceci est tiré, ou de M. de Launoi, Hist. Gymn. Navarræ, pag. 476 et suiv., ou du P. Labbé, de Script. Ecclesiast., pag. 180.
  2. Il le fit à Bâle, l’an 1418.
  3. Il la fit à Cologne, au mois de septemb. 1418.
  4. Faite à Cologne, au mois d’octobre 1418.
  5. Dans ses Antiquités de la Chapelle du Roi de France, pag. 345.
  6. Bodin, Préf. de la Démonomanie, p. 14.
  7. On en trouve une partie à Cambridge, dans le collége d’Emmanuel. Oudin. Supplem. de Script. Ecclesiast., pag. 690.
  8. La Croix du Maine, Biblioth. Franç., pag. 381.