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AKAKIA.

professeur en médecine, comme l’on va voir. Presque tous ses descendans ont marché dans la même route ; mais il s’en est trouvé un qui s’est mêlé d’autre chose que de médecine (D). Ceux qui ont mis la mort de notre Martin Akakia à l’année 1605, se sont étrangement abusés (E). Marot a parlé de lui avec éloge : ce qu’il en a dit a été cité par M. Ménage [a].

  1. Ménage, Orig. de la Langue Française, pag. 4.

(A) Il était de Châlons en Champagne. ] M. Moréri, n’ayant pas entendu ce que veut dire Catalaunensis, a cru bonnement qu’Akakia était Catalan. Il était de Catalogne, dit-il ; et, pour comble de méprise, il nous renvoie à Quensted, qui a marqué positivement que ce médecin était de Châlons, ville dont l’évêque se dit comte et pair de France[1].

(B) Il s’appelait Sans-Malice ; mais... il changea son nom en celui d’Akakia. ] C’est ce que témoignent René Moreau dans la Vie de Sylvius, et Gabriel Naudé, dans son Jugement sur Augustin Niphus[2]. Voyez aussi la Mothe-le-Vaïer, à la page 277 du XIIe. tome de ses Œuvres ; et M. Ménage, dans les Origines de la langue française [3]. Le père Labbe croit que tout cela n’est qu’un ex post facto, ou allusion gentille faite après coup, ou bien un sobriquet qu’on lui aurait donné, et qui aurait ensuite passé en nom de famille[4]. Il se fonde sur deux raisons ; la première est qu’Α᾽κaκία signifie, non pas un homme éloigné de toute malice ; mais l’éloignement de la malice. La seconde est que ce médecin de François Ier. aurait écrit Acacia, ou Akakia, s’il avait pris un nom métamorphosé de la langue grecque. Pour confirmer la première, il ajoute que ce médecin, s’il est vrai qu’il s’appelait auparavant Sans-Malice, eust mieux fait de quitter ce nom féminin Ἀκακία, pour en prendre un plus masle et qui eust du rapport à Ἀκάκιος, Acacius, mots usitez parmy les Grecs et les Latins. Qui est-ce qui ne se mocqueroit de la simplicité, ou bestise de celui qui, ayant pour nom de famille, Pelé, ou Vertueux, tourneroit son nom en grec, et s’appelleroit Ἀλωπεκία, ou Ἂρετη ? Ces raisons-là sont très-faibles. On peut avouer, quant à la seconde, que dans l’ordre il fallait écrire, ou Acacia, ou Akakia ; mais je pense qu’effectivement cet habile médecin signait de la dernière manière. À l’égard de l’autre raison, il est facile de voir que le père Labbe ne dit rien qui vaille ; car le nom masculin Ἀκάκιος ne répond pas aussi juste que le féminin Ἀκακία au mot français sans malice. La comparaison de pelé ou vertueux, est hors de propos, puisqu’il est certain que Sans-Malice n’a point la nature d’un nom adjectif, et que si un homme, qui aurait porté le nom Avec-Pelure, eût voulu le préciser, il eût dû prendre celui de Synalopecia plutôt que celui de Synalopecius.

(C) Il publia diverses choses sur Galien. ] Il publia, en 1538[* 1], une traduction latine des deux livres de Galien de Ratione curandi, et l’accompagna d’un Commentaire[5]. Après cela, il traduisit l’Ars Medica, quæ et ars parva, du même Galien. Cet ouvrage fut imprimé à Lyon, en 1548. Il est aussi l’auteur d’un livre imprimé à Paris, l’an 1555, sous le titre de Synopsis eorum quæ quinque prioribus libris Galeni de facultatibus simplicium medicamentorum continentur.

(D) Un de ses descendans se mêla d’autre chose que de médecine. ] Une lettre de Guy-Patin, datée du 22 juillet 1664, contient ces paroles : « Le roi a fait mettre à la Bastille le frère de M. Akakia, notre collègue, pour avoir écrit quelque chose qui a déplu à M. le prince. Il avait été employé, il n’y a pas long-temps, pour le mariage du duc d’Enguien, et avait été secrétaire de l’ambas-

  1. * Quoique n’ayant été imprimée qu’en 1538, cette traduction est de 1532, comme le prouve Joly après Leclerc.
  1. Quenst. de Patriis Viror. Eruditorum, pag. 51.
  2. Au feuillet O iij.
  3. À la page 4 de l’édition de Paris, en 1694, in-folio, [ou page 6 édit. de 1750.]
  4. Labbe, Étymologies des mots français, pag. 10.
  5. Gesner. in Biblioth., folio 500.