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ALAMOS.

politiques, dont il en borda les marges, lui ont acquis beaucoup de réputation ; mais non pas sans que les sentimens soient partagés là-dessus (A). Cet ouvrage, publié à Madrid l’an 1614, devait être suivi d’un Commentaire (B) qui n’a jamais été imprimé, que je sache. L’auteur avait composé le tout pendant sa captivité, et il avait même travaillé en cet état à obtenir un privilége pour l’impression (C). Il laissa quelques autres ouvrages qui n’ont pas été imprimés : Advertimientos al govierno, adressés au duc de Lerme, vers le commencement du règne de Philippe III ; el Conquistador : c’étaient des conseils touchant des conquêtes à faire dans le Nouveau-Monde ; Puntos politicos ó de Estado. Don Garsias Tellode de Sandoval, chevalier de Calatrava, gendre d’Alamos, a donné connaissance de ces manuscrits à don Nicolas Antonio [a], duquel j’ai tiré la plus grande partie de cet article.

  1. Voyez la Bibliotheca Scriptorum Hispaniæ, tom. I, pag. 141.

(A) Les sentimens sont partagés touchant son travail sur Tacite. ] Ce partage concerne beaucoup plus les Aphorismes que la traduction, comme on le va voir par les citations suivantes : « Quant aux Aforismes d’Alamos, ce n’est point ce que l’on pense : car vous n’y trouvez presque rien qui sente l’Aforisme, ni qui approche même de la force de ce qui est exprimé dans le texte de la version. Au lieu que l’Aforisme devroit être plus sentencieux que le texte, les paroles du texte sont toujours plus sentencieuses que l’Aforisme. Enfin, pour trancher court, l’Aforisme n’est le plus souvent qu’une version périfrasée de la version même : chose fade et ennuyeuse pour des lecteurs qui ont de l’intelligence et de la délicatesse. Cela supposé, je ne feins point de dire que la traduction d’Alamos est beaucoup meilleure que les Aforismes ; et c’est un jugement qu’a fait avant moi l’auteur de la Bibliografie Historique-Politique dans l’article des historiens latins. Le Tacite illustré, dit-il (c’est le titre de la version d’Alamos), est fort estimé de nos voyageurs ; mais, à en juger sainement, les notes n’en valent pas mieux que les impertinentes Pensées nouvelles de Louis d’Orléans sur cet auteur, ni que les Remarques auliques et politiques du comte Annibal Scot de Plaisance, lesquelles Juste Lipse appelle à bon droit des Notes de plomb. Cependant, certain secrétaire espagnol, nommé Juan Onate, n’a pas laissé de prendre la peine d’arranger ces Aforismes sous des titres particuliers par ordre alfabétique, et n’a pas fait difficulté de les intituler, Aima de Cornelio Tacito : et de plus, un Jérôme Canini les a traduits en italien, et les a incorporez à la version italienne d’Adriano Politi, comme, quelque chose de bien excellent, témoin ce titre : Opere di Corn. Tacito, illustrate con notabilissimi Aforismi del Signor D. Baldassar Alamo[1]. »

Voilà deux auteurs qui partent avec mépris de ces Aphorismes ; et deux qui en font beaucoup de cas. On s’étonnera moins de cette différence de sentimens, si l’on se souvient, qu’en l’année 1683, M. Amelot n’avait pas la même opinion là-dessus, qu’il a fait paraître en 1686 et en 1690. Consultons la préface de son Tibère[2]. Il est bien vrai, dit-il, qu’Alamos n’a pas seulement traduit Tacite, mais y a fait encore un grand nombre de Remarques, qu’il appelle Aforismes, et qu’Antoine de Covarruvias, son approbateur, dit être la principale partie de son ouvrage[* 1]...... J’avoue que le sien est excellent, soit pour la tra-

  1. (*) Aun es la principal parte, y de mas momento, desta Obra.
  1. Amelot de la Houssaye, Disc. Critique, à la tête de sa traduction des Annales de Tacite, imprimée à Paris, l’an 1690. Ce Discours Critique avait déjà paru à la tête de sa Morale de Tacite, en 1686. Il est un peu augmenté dans l’édition des Annales.
  2. Imprimé à Amsterdam, en 1683.